Expérimentation au collège Les Alizés :
"On ne classe plus les élèves"
Depuis août 2014, le collège Les Alizés expérimente un nouveau système d'évaluation dans ses classes de sixième. Il n'est plus question d'attribuer de notes aux élèves. Entre code couleurs et appréciations, ils sont évalués par compétences.
"Faut-il supprimer les notes ?" Le débat a été relancé le 27 novembre dernier par le conseil supérieur des programmes, suite à l'envoi de son document à la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem.
Depuis la rentrée 2014-2015, le collège Les Alizés, à Saint Denis, applique, lui, un nouveau système d'évaluation pour ses classes de sixième. Un code couleur (rouge, jaune et vert) remplace les notes et s'ajoute aux livrets de compétences et aux appréciations des professeurs.
Le rouge indique le non-acquis, le jaune que la compétence est en cours d'acquisition et le vert la validité de la compétence.
"L'école ne doit plus être le lieu ou l'on trie les élèves", affirme Philippe Pham-Si, Principal Adjoint de ce collège. L'accent est mis sur le suivi des élèves.
"Le livret de compétences nous permet de mieux cibler les difficultés de chacun", renchérit Philippe Bénard, Principal du collège. Ce dernier y voit un moyen de motiver les élèves en difficulté : "Un élève qui décroche se motive lorsqu'il sait où il va, lorsqu'on lui donne des acquis. Il reste impliqué."
Un avantage pour les décrocheurs potentiels, le livret par compétences permet également de savoir où il doit se perfectionner selon le métier qu'il envisage. L'insertion professionnelle est au cœur de cette nouvelle forme d'évaluation, le Principal insiste sur ce fait : "Dès la sixième, les élèves en difficulté cherchent un levier de motivation. Connaître un métier et les compétences qu'il nécessite est fondamental. La notation chiffrée reste un frein pour l'implication de ces élèves."
Qu'en est-il pour les éléments moyens et bons ? Philippe Bénard explique : "les bons éléments resteront bons, qu'importe le système notation, là n'est pas le problème."
Des couleurs à la place des notes
Ce premier trimestre s'annonce "positif" selon les chefs d'établissement : "Ce nouveau système oblige nos enseignants à travailler autrement. Aujourd'hui, nous observons que les conseils de classe sont beaucoup plus riches et pertinents pour le suivi de nos élèves. le bulletin de note modifié compte quatre volets : observations, commentaires, connaissances et savoir-faire."
De nombreux professeurs ont été déstabilisés par le dispositif. Un professeur de sciences et vie de la terre confie : "Au départ, ce n'était vraiment pas évident. Donner simplement des appréciations et des "couleurs" à nos élèves, ça me paraissait flou." Elle revient aussi sur la frustration de certains élèves :"Les élèves les plus doués me demandent souvent: "Madame, est-ce que ça veut dire que je suis fort ou que suis faible ?"
Le système reste semblable à celui des écoles primaires, mais les élèves s'attendent à la notation chiffrée. En effet, la liaison entre l'école primaire et le collège s'élabore autour d'un seul et même cycle, regroupant le CM1, CM2 et la sixième, depuis 2012 et la loi Peillon.
La notation non chiffrée vient s'ajouter au livret personnel qui atteste l'acquisition des connaissances et compétences du socle commun et qui, lui, est appliqué partout, même là où la notation chiffrée est utilisée.
Du côté des parents, les avis divergent. La famille Lin-Ching-Too, conquise que leur fille Marion est moins angoissée. Par ailleurs, ils apprécient de pouvoir suivre l'évolution de Marion sur le réseau Pronote. Si aucune note n'est affichée, contrairement au nom du site, le livret y est clairement détaillé.
Laurianne Delhommelle, mère d'un adolescent de quatrième, évoque l'importance du classement dans l'esprit des enfants : "Plus ils grandissent, plus ils développent un esprit de compétition. Les notes favorisent cet esprit, elles sont essentielles à ce niveau."
Corinne Belrose, maman d'un petit de sixième, n'est pas d'accord : "Même si le mien aurait préféré avoir une note comme les grands, je constate que ce système crée moins de jalousie et de compétition entre les élèves, c'est mieux."
La suppression des notes fait discuter les parents. Mais résoudra-t-elle le problème du décrochage scolaire ainsi que le pense le ministère ?
Christelle BENARD
LE QUOTIDIEN DE LA REUNION - Vendredi 05/12/2014