Semaine académique de la Persévérance scolaire (30 nov-4 déc 2015)
PROJET CULTUREL :
FLEURIS TON COLLEGE, FLEURIS TON CŒUR, FLEURIS TON INTELLIGENCE
POUR « PLANTER » LA PERSEVERANCE A CAMBUSTON, II FAUT PERSEVERER !
De l’expérimentation à la réflexion engagée
« Quoique tu rêves d’entreprendre, commence-le.
L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie.” Goethe
Il était un oiseau-fleur qui pensait, avec un peu d’eau dans son bec, pouvoir éteindre un incendie. Il y croyait. Il fit sa part. Ce geste solidaire donna l’exemple et l’incendie fut maîtrisé.
Lors de cette semaine nous avons décidé d’axer les actions en faveur des élèves ciblés « en décrochage ». En amont tout un travail de préparation a été engagé pour les impliquer dans les actions proposées : s’engager pour embellir l’espace du collège : aménager et prendre soin du Jardin des Poètes, du labyrinthe des caféiers, des coins fleuris du collège, participer à la semaine de la Persévérance scolaire en apportant une petite plante de son choix, encourager mes camarades à participer, faire preuve de persévérance et être exemplaire. Nous constatons tout l’intérêt de la démarche de projet pour des élèves en situation d’échec scolaire, d’autant plus que ce projet tend à une réalisation concrète dans leur environnement immédiat.
LUNDI 30 NOVEMBRE : Préparer une exposition :
Objectif : afficher la persévérance sous toutes ses formes ! En anglais : Dedication avec les élèves de Mme Canevy, en Histoire-géo, la mise en valeur de personnages historiques exemplaires, Nelson Mandéla, Rosa Parks… avec les élèves de M. Macé, en Français, l’arbre à devises, des poèmes. La Classe Ulis affiche un magnifique travail sur les valeurs. Les ateliers- les arts créatifs, les Petits Débrouillards, recyclage, Le Caue, l’option plante, l’option théâtre, les ambassadeurs des arbres, les associations de quartier qui interviennent sur le Jardin des Poètes- qui sont tous des exemples de persévérance, sont valorisés dans cette exposition. Le travail avec les écoles du réseau n’est pas en reste : les CM1 de Mme Boyer de l’Ecole de l’Etang nous offre le bouquet de la gentillesse. L’ école Saint-Clair Agénor affiche les blasons de l’école, le tapis de pensées, réalisés par les élèves de Mme Léger et….
MARDI 1er DECEMBRE Rencontre- débat : Echanger pour ne pas décrocher
Il s’agissait de susciter une réflexion sur le sens donné à l’école (A quoi ça sert l’école? Pourquoi on n’a pas envie ou plus envie un jour d’aller à l’école ? Qu’est-ce qui donne envie d’aller à l’école ?), de présenter aux élèves décrocheurs différents parcours d’anciens élèves du collège et de leur offrir un espace de parole. Des élèves de la Mission locale, des lycéens du lycée Jean-Perrin de Saint-André accompagnés de Mme CHASSAGNAC (CPE, référente décrochage), d’anciens élèves du collège participent à ce moment d’échange autour de la persévérance. Nos élèves vont à la rencontre de leurs aînés. Mme ESTERLE Maryse Enseignante -chercheure – maîtresse de conférences honoraire – Université d’Artois et M. Chabernaud, référent CARDIE Rectorat sont invités à cette table ronde.
C’est un succès. L’échange est très riche avec des expériences différentes, des parcours uniques. Les attentes ont été respectées : nous souhaitions un moment convivial qui permettrait de libérer la parole. Les différents témoignages, empreints d’émotion et de franchise ont touché nos élèves. Pour les 3ème, la discussion a suscité une réflexion intérieure, une réflexion sur ce que nous apporte l’école. Damien était admiratif devant la force dont a fait preuve un élève du lycée pour se sortir de son « mauvais » chemin et revenir dans le monde scolaire. Mr Malbrouck a, d’ailleurs démontré, dans son témoignage, que l’école était un lieu privilégié où ils étaient en sécurité, au contraire du monde de la rue. Romain nous fait part lors du goûter de son projet personnel. Il voudrait s’orienter vers le domaine de la pâtisserie et des pizzas. Il me parle de son parcours : ses réussites en 6ème, sa « dégringolade » progressive. Il me confie qu’il est le plus âgé du collège et qu’il a trop de lacunes pour prétendre au lycée de Saint-Paul. Il rajoute : « j’avais 18 de moyenne en maths en 6ème , aujourd’hui, je suis en dessous de 5 ».
MERCREDI 2 DECEMBRE 2015 : L’EXEMPLARITE DU THEATRE
Ils étaient au rendez-vous le mercredi pour le spectacle des élèves de théâtre : certains nous ont apporté de l’aide au début pour placer les rideaux, le décor et, à la fin, pour tout ranger. Ils ont assisté au « debrieffing » avec les élèves de l’option, qu’ils ont par ailleurs félicités. Nos élèves de théâtre ont relevé un défi : celui du courage : jouer devant ses pairs, offrir un spectacle de et sur la persévérance scolaire !
S’entraider : Lauraincia aide David à mettre son col jabot pour sa scène. Il joue le rôle de Pierre Poivre. Elle met de côté son propre trac qu’elle vient de me confier juste avant pour aider son camarade. Un autre spectacle se joue dans les coulisses, aussi important que celui qu’ils offrent au public. Celui de la solidarité, des émotions, de la vie tout simplement dans qu’elle a de plus intense, le don de soi.
Assumer un rôle : Loïc, en arlequin surprise ce jour-là : un élève est absent. Pas d’Arlequin ! Comment faire ? Loïc se propose et force l’admiration de ses camarades. La nôtre, celle de sa maman, en larmes, le jour du conseil de classe. Quand on connait le parcours de Loïc, nous ne pouvons que saluer son courage et sa prestation scénique impeccable. C’est cela aussi le théâtre : décupler l’énergie, l’envie, la motivation. Le mot de Noémie pour Loïc : « J’ai été touchée par ce que Loïc a pu faire. »
Donner l’exemple : Ethan et Ryan ont apporté leur contribution en nettoyant la salle après le spectacle. Etre présent jusqu’au bout pour tout ranger….. c’est aussi persévérer.
JEUDI 3 DECEMBRE : L’EXEMPLARITE DU SPORT
Mme Colombet, professeure d’EPS, organise ce jour -là un parcours coopératif qui a suscité l’enthousiasme des élèves : « Je me suis bien amusé. On a travaillé en équipe. Avec mon camarade, on a fait tous les parcours et on a réussi. » nous raconte Tommy. « J’ai aimé les jeux de confiance. J’ai adoré être guidée » rajoute Britany, 6ème . Parallèlement Océane, qui a témoigné lors de la table ronde, offre aux élèves sa propre expérience de la persévérance à travers une initiation au karaté. S’entraider, faire équipe, faire confiance au camarade, prendre des risques pour mieux avancer, ces messages ont été véhiculés lors de cette matinée.
VENDREDI 4 DECEMBRE : UN VENDREDI FLEURI
La dernière journée de la semaine de la persévérance est une journée florale. Les élèves ont joué le jeu… Wilson, tout fier, a amené sa plante : un anthurium nain. Ils avaient tous le même sourire aux lèvres en venant déposer leur plante. Ce fut un moment festif, au mois de décembre, après les conseils de classe. Un moment convivial, informel auquel toute la communauté éducative a été invitée, le temps d’une matinée. Nos partenaires aussi ont été présents. Mme Boyer, du Contrat de ville de Saint-André a apporté sa contribution florale. Mr Rodelin qui avait déjà offert les plants de café est arrivé avec un beau rosier. Mr Yoti de la pépinière du même nom nous apporte son soutien et réaffirme sa collaboration avec le collège. Une entreprise arrive avec des plantes. C’est Jérémy qui les accueille. Déposer sa plante…Apporter des graines…… signer le livre d’or, des gestes forts qui engagent l’élève dans une démarche de persévérance.
Ils étaient au rendez-vous, nos élèves en décrochage, en majorité en rouge, heureux de participer à cette action, comme en témoignent les sourires sur les photos. Tenir le livre d’or ; être responsable de la boîte du Téléthon, orienter les élèves qui venaient déposer leur plante, aider enfin M. Dupuy à ranger toutes ces plantes dans la serre, sont autant de missions qui les ont responsabilisés. Jérémy nous a offert une bien jolie surprise, ce jour-là : Nous lui confions notre appareil photo lors de cette matinée de vendredi. En le récupérant, nous découvrons avec surprise les photos qu’il a prises, son goût certain pour le détail, sa sensibilité, le regard étonnant qu’il a posé sur les choses. Jérémy, derrière l’objectif, signe un travail de photographe surprenant de qualité, un hommage à la nature et à son collège.
Cette matinée est aussi l’occasion de faire un geste pour le Téléthon et de sensibiliser les élèves à cette action, exemple de persévérance. En effet, le collège s’ouvre sur le quartier en participant à l’action menée par l’ADICA : Cambustony gagn fé un don pou le Téléthon. Ismaon propose la boite à l’entreprise qui est venue apporter les fleurs, un geste symbolique pour donner l’exemple.
Cette matinée florale est enfin le moment d’afficher des valeurs : l’enthousiasme, le plaisir de partager ce moment ensemble, la joie de montrer sa capacité à participer à une action solidaire, la fierté de retrouver son travail exposé et valorisé, « Ca, c’est moi qui l’ai fait, et là bas c’est notre classe »….Toutes ces valeurs se retrouvent autour de celle qui est à l’honneur ce jour : la persévérance. Nous laisserons la parole à Davina, élève de 5ème à travers son joli texte de la persévérance :
Notre fleur intérieure
Nous avons tous en nous une fleur précieuse.
Si elle n’est pas arrosée, elle montre nos défauts.
Mais, si elle a tout l’amour dont elle a besoin, elle grandira dans toute sa splendeur.
Une beauté incroyable jaillira alors en nous et nous deviendrons quelqu’un d’épanoui et de joyeux.
Cette fleur est entre nos mains.
Chaque saison, elle change d’état.
Nous aussi, comme elle, nous changeons.
Nous pouvons partager cette fleur avec des personnes de notre entourage car elle pétille d’un parfum merveilleux et nous réunit tous ensemble.
Nous devons aimer et protéger cette fleur resplendissante, éclatante et diamantée.
Je suis heureuse d’avoir partagé ce petit message avec vous.
Nous retenons l’enthousiasme des élèves, leurs sourires. C’est, en effet, avec enthousiasme qu’ils ont participé à l’œuvre solidaire : leur collège est un lieu qu’ils apprécient et ils l’ont montré. Nos élèves en décrochage ont « accroché » au projet ! Ils ont accompli les missions que nous leur avons confiées : la démarche d’information auprès des autres classes : ils n’ont pas hésité une seule seconde lorsque nous leur avons demandé d’aller dans les classes distribuer l’information pour la matinée du vendredi : bien sûr, après avoir « répété » leur texte : « bonjour, excusez-nous de vous déranger, est ce que nous pouvons passer une information aux élèves pour vendredi ». Certains sont restés dans leurs heures de libre pour continuer les affiches. Dans les ateliers, ils ont commencé à montrer leurs talents en Arts plastiques et même en poésie. Leur attitude est à saluer : Lorsqu’ils nous croisent dans la cour, ils se montrent très polis et respectueux ; ils viennent nous voir dans nos classes : comme pour nous demander : quand est qu’on refait le karaté au gymnase ?(Riadhini Mouidini) , ou « Madame quand est qu’on plante les fleurs ?» (Jérémy Baty). L’accroche a été bénéfique : la semaine suivante, sur leurs heures de libre, certains sont venus d’eux-mêmes participer aux ateliers, et ils ont exprimé leur désir de continuer à faire des choses sur ces moments-là.
Il y a bien sûr des « mais »…..Oui, ils ne se sont pas, dans la foulée, glissés dans le moule du « bon élève « emmenant toutes leurs affaires et prenant toutes les notes en cours. Oui, certains ont raté des cours pour venir planter, ou distribuer, ou faire des affiches pour la semaine. Il est regrettable que ces moments n’aient pas été pris à leur juste valeur car, pour eux, c’était de grandes avancées. Oui, certains ont « joué « sur deux tableaux, mais on ne les change pas en deux jours. La communication pas toujours bien passée et bien comprise a engendré des soucis. Il est vrai que les choses sont allées un peu vite. Mais il fallait rebondir sur cet engouement venant des élèves. Nous regrettons le manque de compréhension, de bienveillance parfois. Effectivement, les élèves ont préféré « venir planter plutôt que d’aller en cours », mais le but immédiat était de les intéresser, redonner envie de faire quelque chose au collège, en même temps le projet a permis de travailler sur leur estime d’eux-mêmes , et il y a tant à faire : cela a marché car ils ont fait preuve d’enthousiasme à chaque moment de ce projet. Le but était d’arriver à terme à ce qu’ils viennent dans leur temps de libre. Il est vrai qu’il y a eu des accrochages et des « histoires » dans lesquelles ils étaient mêlés mais nous ne pouvons pas effacer en quelques jours un passé lourd : il faut avancer pas à pas.
Nous n’avons fait qu’amorcer un travail qui devrait se tenir sur du long terme, un travail de longue haleine avec des réussites et des échecs qu’il faut accepter car il est question de relations humaines, d’élèves en devenir et nous sommes responsables de ce devenir. La prise de risque d’engager ces élèves dans une démarche de projet est certaine. Rien n’est moins sûr que cela fonctionnera. Ce dont on est certain, par contre, c’est que les propositions actuelles d’apprentissage ne fonctionnent pas pour eux. A partir de ce constat, nous avons le choix, persister ou prendre le risque de proposer autre chose.
Mais que risque-t-on vraiment au final ? De les intéresser ? De les aider ? De leur accorder notre confiance ? De les ramener vers l’école en passant par d’autres moyens de motivation ? Pour notre part, nous retirons tous les bénéfices de cette semaine aussi bien pour eux que pour nous. Elle a suscité un questionnement chez les élèves que nous avons appris à connaître. Nous n’avons pas toutes les réponses à leurs questions mais au final ce n’est pas très important. Nous leur faisons confiance. Ils les trouveront eux-mêmes. Elle nous a permis d’engager une réflexion sur les enjeux de la persévérance que nous intitulerons :
Le droit à la persévérance
Contrairement à une idée reçue, la persévérance scolaire est d’abord l’affaire de l’enseignant. En effet, pour demander à un élève d’être persévérant, il faut d’abord croire en lui et en sa capacité d’évoluer. C’est un préalable. Elle est même l’affaire de l’ensemble de la communauté éducative. L’élève ne pourra être persévérant que s’il trouve en face un espace, un climat, une posture qui puissent accueillir et encourager cette persévérance.
Il en est de même dans la vie de tous les jours : difficile de persévérer, d’être dans l’envie de bien faire quand l’environnement est hostile. En tant qu’adultes, nous pouvons- parfois- faire la part des choses et continuer de persévérer en passant outre les difficultés, en les surmontant. Les enfants, eux, n’ont pas toujours cette distance. Et puis, c’est une évidence, nous avons tous eu besoin d’être encouragés à marcher, à parler, à grandir tout simplement.
Les circonstances de la vie nous offrent de multiples exemples que la persévérance ne peut exister que dans une relation duelle. Pour persévérer, nous avons besoin du regard confiant de l’autre en nos capacités. Si ce regard est hostile, nous essaierons quand même mais nous finirons par y renoncer. Dans un moment fragile, il est alors facile de capituler et de décrocher.
En tant qu’enseignants et éducateurs, nous avons ce pouvoir d’appuyer sur des leviers qui permettront à l’élève d’entrer dans une démarche de persévérance. Lorsque nous encourageons un élève, nous savons l’impact que ces mots peuvent avoir sur lui, le bien qu’ils lui font, ce qu’ils peuvent déclencher (nous sommes nous même passés par là. C’est parce que nous avons été encouragés à un moment ou à un autre de notre vie que nous avons réussi). De même, lorsque nous dénigrons un élève de quelque manière que ce soit, nous savons que nous portons atteinte à son intégrité, à l’estime qu’il a de lui-même. Force est de constater que nous le faisons aussi sciemment.
Il semble donc que, pour l’élève, la persévérance soit un droit : droit d’être accueilli dans un climat favorable et bienveillant, droit aux encouragements, droit à l’empathie. Pour l’équipe éducative, elle est un devoir, le devoir de croire en les capacités des élèves qui nous sont confiés.
Diana Léocadie et Sydalise Dufestin, professeures de Français en REP + et référentes culturelles, Collège de Cambuston
Réflexion sur les enjeux de la persévérance (Décembre 2015)