Les DNMADE 1 visitent l’exposition Chaos

Sous la houlette de Mme MALET-CASSANTE, les étudiants en 1° année de DNMADE ont assisté à l’exposition Chaos, qui s’est tenue en octobre à Hang’Art. En voici la restitution, proposée par Simon GRONDIN (section Graphisme) et par Jean-Emmanuel HOARAU (section Mode), et travaillée en cours d’Humanités avec leur enseignante de Lettres Mme PAVEC.

CRITIQUE SUR LE CHAOS

L’Exposition « Chaos » est une exposition de céramiques qui s’est tenue au Hang’Art à Saint-Pierre du 10 septembre au 22 octobre. Elle retrace le travail du céramiste David Leon Gimenez, mis en scène par Kako, en confrontation autour de la notion du « chaos ».

En entrant, après le hall du Hang’art, on trouve le lieu de l’exposition. Nous sommes face à une unique pièce et en la découvrant, nous rencontrons des éléments qui nous font office d’introduction. Ces éléments sont disposés dans un espace resserré, étroit, dans lequel une citation d’Ovide donne le ton et nous porte à la réflexion autour du chaos destructeur et créateur, à l’origine de tout. Juste après, dans ce même espace, une masse de pièces et débris de céramiques est posée, comme une pile de déchets. Tout d’abord ce tas nous porte à croire que l’exposition ne se limite qu’à ces objets, car le reste nous est volontairement masqué et nous questionne alors sur le désordre : un bazar, des déchets laissés dans un coin. Mais il vient en réalité marquer le début de ce vaste thème, en prédisposant le spectateur à prendre du recul et à réfléchir autrement. Il a déjà été confronté à ces débris, a vu « le pire » et c’est une manière ingénieuse de mettre en valeur ce que nous allons retrouver par la suite.

C’est dans cet état d’esprit qu’en progressant, en détournant le regard, un espace relativement vaste s’offre à nous. On y trouve un fourmillement d’œuvres disposées partout, qui occupent pleinement l’espace, de diverses manières. On remarque des céramiques suspendues, attachées, sur les murs, mais aussi posées sur des modules. Ces modules, des parallélépipèdes rectangles, ne sont pas répartis comme on pourrait s’y attendre. Ils surélèvent certaines créations pour les rapprocher des yeux, mais permettent aussi d’éviter de renverser certaines céramiques et sont placés en biais, dans un équilibre qui semble précaire, visuellement. Cette manière ingénieuse de mettre en valeur les éléments vient très bien souligner le thème du chaos par des dispositifs qui donnent une impression de mouvement, de chute, de danse.

D’autres éléments du décor sont les cordes suspendant certaines créations. Elles sont dans un équilibre remarquable, notamment dans une collection de céramiques qui intrigue le spectateur quand il y porte attention. Ces différentes productions ont des qualités esthétiques, formelles, des textures qui leur sont propres, mais elles sont liées par une même corde et elles se maintiennent en équilibre grâce aux autres. Cette installation montre aussi une certaine fragilité de la matière, la terre : elle illustre le chaos qui engendre, à travers chacune de ses étapes de création incontrôlable, et qui peut se briser à tout moment ; mais, maintenue par cet équilibre qui ne tient à rien, via des objets interdépendants les uns des autres, elle permet au spectateur d’avoir une idée du chaos destructeur, démontrant qu’un rien peut tout détruire.

Les couleurs de la salle sont neutres : quelques éléments noirs, un sol gris et tout le reste, murs, modules, plafond en blanc. Ces couleurs permettent la mise en valeur des œuvres exposées, car elles contrastent avec des objets qui sont, pour la majorité, très colorés et permettent à l’œil du spectateur de se reposer, de circuler entre les différents éléments, sans surcharger un espace déjà très rempli.

Cette salle instaure un univers, celui de l’artiste, dans lequel le spectateur est plongé. Tout est mis à sa disposition : on voit tous les éléments sans chercher plus loin, mais pourtant, on ne voit rien. Un point fort de cette exposition est qu’elle nous pousse à aller chercher, fouiner, se baisser, lever les yeux… dans le but de découvrir tous les éléments, qui semblent n’avoir aucun rapport. Mais en réalité, une dynamique est créée dans la mise en tension de styles parfois opposés qui viennent créer le chaos. On ne sait pas où poser le regard dès le début, on n’a pas de sens de circulation ou de lecture donné et c’est dans ce décor de terre, d’émaux et de couleurs qu’une invitation au jeu est lancée. En effet, le visiteur est immergé dans l’univers d’un seul créateur, qui porte à la réflexion, à la discussion, car chacun peut s’en faire sa propre idée, créer du sens. Ce décor a pour but d’intriguer mais aussi de surprendre. Face à des objets qui ont des qualités multiples, qui se complètent ou qui dénotent, et c’est à lui de saisir la singularité de chaque œuvre. C’est un autre écosystème qui est créé car comme dans la nature : on peut chercher, se rapprocher de plus en plus de chaque petit élément, pour découvrir une forme, un motif, une texture qui vient s’exprimer. Cette exposition devient alors un moment à vivre, un espace nouveau à explorer. Certes, l’ambiance générée et la scénographie sont des éléments très réussis qui maintiennent ensemble des années de travail, mais il ne faut pas négliger l’essence même du travail du céramiste, dont le savoir-faire, des techniques, des expériences sont exploitées dans un but d’expression, de partage ou d’esthétique.

Les pièces présentées témoignent d’une grande diversité, dans les formes (pleines, creuses, organiques, fines, larges, plates), les techniques (à plat, en relief, émaux), et dans la démarche de l’artiste (qu’on suit sur plusieurs années). On remarque un grand savoir-faire qui nous questionne sur les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre. On retrouve un aspect expérimental dans les projets, mais aussi une maîtrise. Cette très grande diversité ne nuit en rien à l’aspect esthétique mais au contraire permet de le soutenir, et maintient le spectateur en éveil, car à chaque fois que l’on rencontre un même objet, on découvre de nouveaux aspects et leur complexité en renforce la beauté.

Pour conclure, je pense que c’est une exposition à vivre par soi-même, car elle est très riche et le travail de scénographie rend cette visite plutôt facile, ludique et captivante. La durée de visite n’est pas très longue, même si on peut y rester plus longtemps, sans pour autant s’ennuyer. C’est une sortie que je conseille pour se ressourcer, si l’on a envie de découvrir un artiste, un univers, des créations.

Simon Grondin. DNMADe G1

Chaos de David LEON GIMENEZ

Scénographie : Kako

Du 10 septembre au 22 octobre 2022, l’artiste sculpteur David LEON GIMENEZ nous propose de découvrir sa dernière exposition, Chaos, qui se déroule au Hang’art.

David LEON GIMENEZ est un sculpteur espagnol installé à la Réunion depuis plus de treize ans. Il travaille depuis plusieurs décennies la céramique et voit ce travail de la terre comme un moment envoûtant, qui offre un spectacle sensuel par son mouvement et son toucher. Depuis sa reconversion professionnelle, il a plusieurs fois exposé ses créations et intervient souvent dans les établissements scolaires.

L’EXPOSITION CHAOS

Le début de l’exposition nous aide à comprendre l’univers que le sculpteur a voulu mettre en scène. En effet, il nous adresse une parole du poète Ovide qui nous décrit le chaos comme une masse de rien et de tout, instable et incontrôlable, présente avant tout comme élément constituant notre monde.

Ce caractère instable se fait sentir par les couleurs qui s’entrechoquent ou encore les sculptures qui varient tant en dimensions qu’en formes abstraites. Il y a donc eu un travail en volume et un travail en 2D. D. LEON GIMENEZ a aussi utilisé les morceaux de céramique brisés, récupérés à la suite d’accidents survenus lors de la mise en place de l’exposition, en guise de décor introductif car ceux-ci rentraient bien dans le thème. Tout au long de l’exposition, on voit une évolution. L’évolution du chaos qui part de l’abstrait et qui finit son chemin par l’apparition du stable, de l’humain, du sobre. Le positionnement de toutes les sculptures et la scénographie ont donc été minutieusement pensés.

Les explications de l’artiste nous aident à propos du sens profond de l’exposition : le chaos fait ici référence à l’origine et à ce qui engendre, c’est-à-dire  » la femme  ». Et effectivement, on a tout au long de la visite des références faites à ce pouvoir de création, que ce soit de longs vases fermés représentant des ovules ou encore des sculptures reprenant des formes corporelles féminines. Le sculpteur s’est aussi inspiré d’autres artistes dans ses créations. Des Ménines de Vélazquez à Miro en passant par des petites chaises d’inspiration japonaise ou encore un portrait indirect de Picasso, il a voulu  » s’amuser  ».

Le travail de la terre et les diverses textures sont aussi importants à notifier, car ceux-ci permettent de donner du caractère à la création. Ces diverses textures sont le résultat d’expériences que David mène involontairement lors des diverses étapes du travail de la terre. Mais le plus souvent, la surprise se fait remarquer après la cuisson au four qui s’élève à 1260 degrés. Il est donc dans une constante découverte de la matière, de sa transformation naturelle et de sa modification humaine.

Il faut savoir que beaucoup de sculptures exposées sont d’anciennes œuvres, qui n’ont pas été créées spécialement pour cette exposition, mais qui correspondaient quand même à la notion de chaos. Mais ne serait-ce pas trop facile de ressortir d’anciennes œuvres sous prétexte qu’elles  » entrent dans le thème  ». Peut-on lui reprocher de s’être investi davantage sur la scénographie que dans les nouvelles sculptures plastiques ?

Malgré le fait que certaines sculptures ne soient pas nouvelles, David LEON GIMENEZ a su créer une unité dans l’univers qu’il a voulu nous partager. Sa passion pour l’art de la céramique, il nous la transmet dans ses paroles explicatives saupoudrées d’un accent chantant, plaisant à entendre.

Jean-Emmanuel HOARAU. DNMADE M1