Le détecteur de particules Cosmix vit cette année de très belles aventures, en plus d’être très originales. Après être allé visiter les îles australes, il s’est lancé dans la plongée sous-marine !
On sait que les muons produits dans les gerbes cosmiques produites à partir du rayonnement cosmique sont largement absorbés par la roche. C’est pour cela en particulier que l’on construit des laboratoires souterrains, comme celui de Modane, à la frontière franco-italienne, où Cosmix a déjà mesuré par deux fois le flux de muons, extrèmement faible.
Mais le sont-ils aussi par l’eau, et dans quelles porportions ? C’est la question que se sont posés Loris et Serge, élèves de PS2, d’abord à l’atelier des deux infinis, puis pour leur TPE.
C’est le physicien italien Domenico Pacini, qui, le premier, a mis en évidence en 1910 que les électroscopes se déchargeaient moins sous le niveau de la mer. Il n’avait pourtant réalisé ses expériences qu’à 3 m de profondeur, mais l’écart mesuré était déjà de 20% ! Mais à l’époque, on ne connaissait pas grand chose à l’origine de l’ionisation de l’air provoquant cette décharge. La seule conclusion qui a pu être tirée alors était que la radioactivité naturelle de la Terre n’était pas à l’origine de cette ionisation.
Concevoir et réaliser une expérience permettant de mettre en évidence cet effet d’absorption paraît simple a priori. Il suffit de placer le petit détecteur Cosmix, dont la fiabilité, la robustesse et l’autonomie de fonctionnement garantissent des mesures exploitables, dans un caisson étanche, puis de descendre ce caisson à différentes profondeurs sous le niveau de la mer, et enfin d’exploiter les données recueillies.
Si le principe est simple, la réalité est bien différente. Il faut tout d’abord que le caisson soit parfaitement étanche et résiste à la pression de l’eau, qui augmente de la valeur de la pression atmosphérique et s’ajoute à elle tous les 10 m. La recherche d’un caisson de ce type du volume nécessaire pour intégrer Cosmix s’est avérée infructueuse. C’est finalement James Caratini, directeur de Sciences Réunion et grand amateur de photographie sous-marine, que Loris et Serge ont contacté sur les conseils de leur professeur, qui apportera une solution, en prêtant un vieux caisson, à remettre en état et tester. Problème : ce caisson, cylindrique a certes le volume nécessaire pour intégrer tous les éléments de Cosmix, mais il faut les assembler de façon très différente que dans la mallette.
Ce travail d’assemblage se révélera particulièrement compliqué et fastidieux, les problèmes se succédant les uns aux autres : rayonnement parasite, problème avec la carte SD ou la batterie d’alimentation, contacts entre soudures, phénomènes d’influence électromagnétique et de pression sur l’afficheur. Plusieurs soudures ont dû être refaites après le démontage et lors des différents essais. Merci à Stéphane Chabanne et Ariel Freckhaus pour leur aide dans cette partie très technique.
L’étanchéité du caisson lui-même a dû être testée à 3 reprises en piscine, puis, après consolidation, une première fois en mer, à 50 m de profondeur. Cela a pu être réalisé avec l’aide et le soutien d’une équipe de plongeurs de Saint-Gilles, autour de Philippe Carret. Qu’ils soient tous ici vivement remerciés.
Après deux premières plongées infructueuses, suite aux problèmes techniques rencontrés, une troisième plongée à 50 m a enfin permis d’obtenir des résultats probants, en réalisant des paliers de 3 minutes tous les 10 m lors de la remontée. Le flux de muons semble diminuer de moitié tous les 5 m d’eau environ.
Ce résultat est assez voisin de celui obtenu par Pacini. Seuls les muons les plus énergétiques parviennent donc à une profondeur de 50 m. Il n’y en a pas eu assez pour établir une statistique fiable, ce qui limite pour le moment la qualité de la mesure qui a été faite.
Du reste, une 4ème plongée, réalisée en déposant Cosmix sur le fond à des profondeurs plus faibles, semble indiquer au contraire que le flux de muons ne diminue pas aussi vite avec la profondeur.
L’atelier des deux infinis a donc décidé d’affiner cette mesure au cours de l’année 2019-2020, en construisant d’abord son propre caisson et en revoyant les protocoles expérimentaux relatifs à cette mesure. Ces premières expériences auront en tout cas permis d’affirmer la faisabilité du projet.
Faire de l’astrophysique sous le niveau de la mer, voilà une idée qui peut paraître bien saugrenue. Elle est en réalité très importante, plusieurs grandes expériences de détection des neutrinos cosmiques étant réalisées ainsi à de grandes profondeurs pour éviter, comme dans les laboratoires souterrains, d’être trop gênées par le flux de muons issus des gerbes atmosphériques. C’est le cas de l’expérience Antarès, située en méditerranée au large de Toulon, et qui va devenir l’expérience km3net.
C’est sous les glaces de l’Antarctique que l’expérience IceCube a détecté l’an dernier le neutrino le plus énergétique jamais détecté sur Terre, en provenance d’un blasar, un noyau de galaxie très actif.