Oedipe-roi, le cadre spatio-temporel

I. L’espace

Espace totalement artificiel au théâtre, créé également au cinéma mais « présence irréductible du réel à l’image » dit Pasolini.
Pièce : les personnages évoluent sur scène, les choreutes chantent et dansent sur l’orchestra vaste espace circulaire entre la scène et les gradins des spectateurs.

A. Lieux du mythe
Grèce antique : là où vivent Sophocle et ses spectateurs. Corinthe, Delphes, Thèbes. Transposé en lieu désertique avec des cités tribales dans le film (tournage au Maroc, citadelles de terre). Archétypes. Distanciation, exotisme pour le spectateur italien, désert et montagnes à l’horizon, ciel immense. Espace des dieux.
Parfois respect des lieux de la pièce dans le film : le rocher où se trouve le Sphinx ; parfois écart comme l’arbre isolé de l’oracle de Delphes alors que dans le livre il est question d’un rocher.
Pièce : intérieur du palais hors scène. De mm que Corinthe ou le Cithéron, juste évoqués. Alors que le film donne à voir ces lieux.
Lieu sur scène : la place devant le palais royal à Thèbes, lieu traditionnel de la scène dans la tragédie grecque. Théâtre en extérieur en plein jour. Le mur de la skéné représente la façade du palais percée d’une porte qui y donne accès.
Pourquoi les messagers parlent-ils au roi sur le pas de la porte : nécessité scénique + transparence devant le peuple.
Parvis du palais important dans le film, en opposition avec l’intérieur (lieu de l’inceste, caché).
B. Lieux symboliques

Pas de réalisme dans la représentation de l’espace. Symbolique. Apreté du désert marocain // acharnement du destin. Lumière aveuglante // cécité d’Oedipe (métaphorique puis réelle).
L’Italie du XXème siècle = lieux autobiographiques de Pasolini, le Frioul et Bologne.
La chambre du palais où trône le lit nuptial : à la fois inceste et mort.
Le Cithéron : montagne déserte de l’abandon du bébé, espace hostile / bord de la rivière où se trouve la mère adoptive d’Oedipe, Mérope.
Chambre nuptiale récurrente, lieu clos, isolé par des couloirs, des portes. Lit : meuble imposant, fermé aussi. Lieu de la mort de Jocaste et de la mutilation d’Oedipe aussi. // chambre intiale du film = celle de la naissance d’Oedipe-Pasolini.
Jardin : espace des femmes, gynécée. Parc italien // bord de rivière de Corinthe // jardin clos à Thèbes. La mère et l’épouse s’y confondent.
Pré natal (jeu de mots) : Angélo dit « Nous sommes dans un endroit avec de grands arbres, et la brume qui se lève, dans un pré tout vert. »+ chambre de la naissance. Lieu de la fin et des origines. Oedipe : « La vie finit où elle commence. ». Mystère.

C. Le voyage

Carrefours : Oedipe s’en remet au hasard pour la direction à prendre : il tourne pls fois sur lui mm, la main sur les yeux,le destin l’envoie tjs à Thèbes. L’errance de la marche devient itinéraire, destinée.
Lieu du meurtre de Laios : dans la pièce, « triple chemin, vallée obscure » forêt de chênes à la fourche de deux routes / dans le film, une seule route dans un paysage désertique, lumière aveuglante. Dans les deux cas on voit le destin à l’œuvre et l’angoisse du personnage.

II. Le temps

Intrigue ou scénario à organiser pour exprimer une créativité par rapport à la source mythique et tenir le spectateur en haleine.

A. L’époque : lointaine et indéterminée, famille des Labdacides
Temps des dieux, du destin (celui d’Oedipe est écrit avant sa naissance), des oracles (futur écrit dans le passé) mêlé au temps des hommes.
Datation de l’abandon du bébé ou du meurtre de Laios indéterminée : « il y a si longtemps », « autrefois »
Pasolini dans les Cahiers du Cinéma : « J’ai voulu représenter le mythe d’Oedipe comme qqch se situant en dehors de l’histoire. »
Hors temps du désert, du rêve.
Sauf temps moderne de l’autobiographie (1ère et dernière parties)

B. Le rythme
Pièce : alternance entre parties chantées par le choeur et parties dialoguées
rythme rapide, dure une seule journée, concentration. Tirésias dit à Oedipe : « Avant ce soir tu recevras le jour et le perdras. » cf Poétique d’Aristote.
Sentiment d’urgence permanent : Oedipe s’inquiète au début parce que Créon n’est pas revenu : « Son absence excède le temps prévu. » puis parce que Tirésias vient trop lentement « Il devrait être ici depuis longtemps »
Film : accélération, concentration car il reste moins de la moitié des répliques de la pièce. Précipitation d’Oedipe vers la catastrophe finale.
discontinuité, ruptures, moments très lents au début puis ellipses.
Redoublement des actions : interrogatoires du berger / de l’esclave, répétition des oracles = répétition, malédiction, éternel retour
Montage alterné : simultanéité, Oedipe parle au peuple, Jocaste semble l’entendre.

C. L’ordre
Pièce : des retours en arrière, passé à reconstituer, péripéties racontées au passé dans les dialogues.
Enquête policière sur la passé, la faute originelle, le meurtre du père, interrogatoire des témoins
Film : d’abord chronologique, biographique (de l’enfant à l’adulte) puis des reconstitutions, une enquête sur le passé, un retour aux origines, comme chez Sophocle, et enfin un retour au début avec le parc où Oedipe, mendiant aveugle retrouve le souvenir qu’il a vécu avec sa mère quand il était bébé.
Complexe d’Oedipe : retour aux origines aussi, à l’inconscient de la petite enfance.
Parties 2 et 3 du film symétriques : bébé puis meurtre puis roi puis inceste puis fléau ; fléau puis roi puis inceste, puis reconstitution du meurtre puis révélation sur le bébé abandonné (révélation du serviteur à la fin).

CONCLUSION

Universalité du cadre spatio-temporel dans les deux œuvres car le questionnement d’Oedipe sur ses origines, sa liberté, son destin, est le propre de l’homme.