C’est jeudi 15 novembre au Palais de l’Elysée qu’a été décerné à David DIOP le Prix Goncourt des Lycéens 2018 pour son roman Frère d’âme paru aux éditions du Seuil.
David Diop en pleine dédicace, ci-dessous avec Elisa Fontaine, en 1L au lycée Louis Payen, seule représentante de La Réunion pour la 1ère participation de l’île au prix.
Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et la Fnac, organisateurs du Prix Goncourt des Lycéens, avaient d’abord réuni ce même jeudi 15 novembre à Rennes, à l’Hôtel de Ville, les 13 lycéens délégués nationaux pour les délibérations finales à huis clos, après deux mois de lecture des 15 livres sélectionnés pour le Prix Goncourt 2018. Le jury de 13 lycéens était issu d’une cinquantaine de classes de lycée (seconde, première, terminale ou BTS) des filières généraliste et professionnelle.
La veille, un bon repas offert par l’association Bruit de lire, au restaurant Les brocanteurs (photo ci-dessous) avait réuni le jury, leurs professeurs et les organisateurs ainsi que les enseignants et lycéens venus de loin également invités, Elisa bien sûr mais aussi des élèves de lycées français à l’étranger (Casablanca, Washington) et d’Ajaccio.
Après la proclamation du lauréat à Rennes, les lycéens et leurs professeurs ont eu tout juste le temps de prendre le train pour Paris afin d’être à 18h15 au plus tard à l’Elysée, où sécurité oblige, nous avons eu droit aux mêmes contrôles que pour prendre l’avion avant de pouvoir enfin accéder au Palais. Surprise, une fanfare nous attendait, comme chaque fois qu’une cérémonie a lieu à l’Elysée avons-nous appris, et les élèves ont dansé sur des rythmes tropicaux, jazzy ou rock, et même sur La Marseille qui a clôturé ce “concert”.
La cérémonie a commencé à 19h en présence du président de la Fnac, du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, du ministre de la Culture, de quelques membres de l’Académie Goncourt et anciens et actuel lauréats du Prix Goncourt des Lycéens.
Le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer et le Directeur Général du Groupe Fnac Darty, Enrique Martinez ont félicité chaleureusement le lauréat et ont remercié les quelques 2000 lycéens qui se sont engagés à lire en un temps record ces 15 ouvrages de littérature contemporaine, puis à préparer leurs arguments pour les débats menant à l’attribution du Prix.
L’éditeur de David Diop, le président de la Fnac, le lauréat, Bernard Pivot, les ministres de l’Education et de la Culture
En attendant l’arrivée du Président de la République, Bernard Pivot, président de l’Académie Goncourt, a animé une sorte de mini Apostrophe lycéenne (sic) et s’est lancé dans une joute avec Eric Orsenna, premier lauréat en 1988 du Prix Goncourt des Lycéens pour L’Exposition coloniale (disponible au CDI), joute qui a beaucoup amusé les élèves mais laissé un peu sur leur faim les professeurs qui auraient souhaité entendre davantage les élèves s’exprimer, d’autant plus que leurs remarques étaient très intéressantes! Heureusement le ministre de la Culture a veillé à donner la parole aux élèves, les relançant même quand Bernard Pivot était en pleine causerie!
L’échange élèves et “officiels” (ministres, auteurs lauréats et représentants de l’Académie Goncourt) a été passionnant, les élèves n’ont pas eu le temps de poser des questions aux écrivains sur leurs œuvres, mais ils ont été sollicités pour donner leur avis sur leurs lectures, leur participation au prix, comment ils avaient vécu cette expérience et s’ils avaient su et pu en faire profiter leur entourage, si eux-mêmes avaient été contaminés, ou l’étaient déjà, par le virus de l’écriture. A cela Elisa aurait bien voulu répondre qu’elle écrivait avant de se lancer dans l’aventure, et qu’elle avait même eu un prix, l’année dernière en 2de, dans le cadre du concours de l’AMOPA.
Catherine Cusset, lauréate 2008 pour son roman Un brillant avenir (disponible au CDI), pour qui plus que l’écriture, activité pourtant quotidienne pour elle, c’est la lecture qui est indispensable, nécessaire pour (sur)vivre, leur a posé une très belle question, :
“Et vous, les ados, à l’ère du numérique qui dit-on n’incite pas à la lecture, pouvez-vous vivre sans lire?” Vous devinez la réponse de ces jeunes lecteurs pleins d’enthousiasme…
Les ministres, David Diop, Bernard Pivot, Eric Orsenna, Luc Lang et Catherine Cusset
David Diop a remercié les élèves , et une en particulier, pour l’intelligence de sa réponse à la question de Bernard Pivot qui voulait savoir si le contexte actuel (commémorations du 11 novembre) avait influencé les élèves dans leur choix:
“Non, vraiment non, en fait c’est après coup qu’on s’est dit, Ah tiens, ça tombe bien, couronner Frère d’âme en novembre 2018! Mais non ça ne nous a pas du tout influencé, alors si ça avait été le 8 mars, la Journée de la femme, on aurait choisi Le malheur du bas???”
La folie, thème récurrent dans cette sélection 2018!
Le malheur du bas, 1er roman d’Inès Bayard traitant du viol d’une jeune femme, du harcèlement dans le travail, de la honte de la victime et de sa folie meurtrière qui s’ensuit, et La vraie vie, 1er roman également d’Adeline Dieudonné sur la violence parentale, d’un homme envers sa femme et ses enfants et surtout sa fille, qui trouvera dans l’amour fraternel la force de résister à la folie de son père et de sauver son frère, étaient en fait les 2 favoris sur les 5 romans finalistes (avec, outre Frère d’âme, La Vérité sort de la Bouche du cheval de Meryem Alaoui et Ca raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard).
Alors que les élèves campaient sur leurs positions pour défendre chacun dans leur camp leur premier choix, c’est l’outsider Frère d’âme qui a su rallier les voix de tous, s’accordant à élire à l’unanimité ce roman dur et magnifique sur les tirailleurs sénégalais et la frénésie meurtrière, organisée ou “sauvage”, pendant la guerre des tranchées. C’est un peu ce qui s’est passé avec les élèves réunionnais de 1L, si on s’en était tenu strictement aux décomptes de leurs voix Frère d’âme n’était que 4ème et n’apparaissait donc pas dans le tiercé que chaque lycée devait élire, mais nos lycéens, lecteurs sensibles et avisés, ont jugé que “ce n’était pas juste, qu’il fallait que David Diop soit finaliste”!
“Un matin de la Grande Guerre, Le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Parmi eux, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi, tranche les mains de ses ennemis qu’il conserve comme autant de trophées. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité, dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première grande boucherie de l’ère moderne.”
Suite de la cérémonie à l’Elysée:
A 20h comme prévu, c’est le Président de la République, accompagné de la première dame, qui est arrivé pour féliciter personnellement David Diop et donner un discours à l’assemblée en remerciant tout spécialement les élèves et leurs professeurs.
L’auditoire (ci-dessous Elisa avec à sa gauche une lycéenne venue de Washington) s’est montré particulièrement réceptif au discours chantant avec justesse les louanges du roman lauréat.
C’est par cette belle cérémonie, qui nous a permis de rencontrer David Diop, que s’est terminé notre séjour en Métropole.Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de dire au lauréat notre joie que le choix des lycéens se soit porté sur lui, et à chaque fois nous avons vraiment eu l’impression qu’il recevait sincèrement avec émotion et plaisir nos compliments!
Avant le départ à Rennes pour les délibérations nationales puis à l’Elysée pour la remise du prix, ont eu lieu dans toute la France les délibérations régionales, pour Elisa elles ont eu lieu à Paris, à la Fnac des Ternes, avec les délégués parisiens et “venus de loin”.
L’annonce à la Fnac du tiercé gagnant: La vérité sort de la bouche du cheval, Le malheur du bas, Frère d’âme, dans une ambiance décontractée.
Un bon dîner, la veille, au Bistrot de La Montagne, dans le 13e, nous a permis de faire connaissance.
Au cours de son séjour parisien, Elisa a été hébergée par la famille de Cassandra (ci-dessous), un grand MERCI à elle, et tout spécialement à Carole, sa mère, sympathique et généreuse!
Cassandra est en 1L au lycée Victor Hugo. Elle pose ci-dessous avec Elisa (en bas à droite de la photo) dans la cour du lycée, avec tous les délégués parisiens et “venus de loin”.
A ces délégués s’ajoutaient 41 jeunes québecquois (dont leur délégué), accompagnés de leur professeur de lettres et de 2 enseignants à la retraite. Les Canadiens ont su mettre l’ambiance! Contrairement aux lycéens français, les Québecquois devaient faire acte de candidature pour pouvoir participer au prix, avec lettre de motivation à l’appui! A noter qu’ils avaient tous 18 ans, étant en Cégep, l’équivalent de nos classes préparatoires…
Félicitations à la 1L et à sa représentante, Elisa, qui ont su mener à bien, pour la première fois à La Réunion, cette belle aventure du Prix Goncourt des Lycéens, et MERCI à tous ceux qui l’ont permis, leurs professeurs, le lycée Louis Payen et l’Académie de La Réunion, avec une mention spéciale à Fanny KADOUR, de la DAAC, à l’initiative de la participation de La Réunion et sans qui rien n’aurait été possible!
Ce prix aura permis à Elisa, tout juste 16 ans, de vivre une belle expérience!
Ci-contre Elisa avant la cérémonie, ci-dessous avec son invitation nominative pour le Palais de l’Elysée et dans la cour du Palais.