On va vous présenter l’interview d’un agent d’accueil de notre collège. Cette interview nous a beaucoup émues, car M. Mithra nous a parlé avec beaucoup de sincérité. C’est aussi un peu un pilier de notre collège, un témoin vivant d’une partie de son histoire, qui s’en va prendre sa retraite.

Pouvez-vous vous présentez ?

Je m’appelle Rémi Mithra, je suis agent d’accueil au collège de Bourbon.

Où êtes-vous né ?

Je suis né à Saint Denis.

Vos parents ont-ils travaillé ici ? Si oui, quelle étaient leurs professions ?

Oui, mon père a travaillé ici, mon père était menuisier.

Avez-vous des enfants ? Si oui, ont-ils été élèves ici ?

Oui, j’ai deux garçons, qui ont été élèves dans ce collège. Ma femme n’a pas été élève dans ce collège. Elle a travaillé ici comme professeur de technologie.

En quelle année êtes-vous entré dans cet établissement ?

Oula…. je n’ai plus du tout cela en tête, mais c’est dans les années 80.

Quelle est votre rôle dans cet établissement et pendant combien de temps ?

Quand je suis entré au collège ici, j’étais donc agent d’entretien, je faisais donc l’entretien des cours de récréation et des salles de classe aussi. Je faisais aussi le courrier et puis, j’ai planté des arbres aussi un moment donné. J’ai travaillé avec des élèves sur l’environnement. Cela, c’est une partie de mon travail ici. Depuis l’an 2000, je suis agent d’accueil, et j’accueille toutes les personnes qui passent ici par l’entrée.

Avez-vous occupé d’autres postes avant de travailler ici ?

D’autres postes avant de travailler au collège ? (M. Mithra prend le temps de réfléchir) Moi, j’ai travaillé dans plusieurs collèges. J’ai commencé comme remplaçant au collège Juliette Dodu. Je suis allé après aux Alizés et après les Alizés, je suis allé vers Trois Bassins-la Saline. Après, je suis allée à la Possession où je travaillais au collège de sainte Thérèse qui s’ouvrait. Enfin, après sainte Thérèse, je suis venu ici. Voilà mon parcours.

Lorsque vous étiez jeune auriez-vous imaginé travailler dans ce collège ?

Oh ! Pas du tout ! Parce que quand j’étais élève ici, c’était vraiment une époque où c’était encore le lycée et c’était un autre monde. C’était avant les années 68, donc il y avait plein de choses qui n’existaient pas. Travailler ici, ce n’était pas dans mon idée à moi.

Etant élève, quel a été votre plus beau souvenir ?

Mon plus beau souvenir étant élève, c’est tous les camarades avant. C’était dans le collège. Il faut rappeler que, enfin c’était le lycée quand je suis entré ici en tant qu’élève. Il y avait, je dirais, deux systèmes : le collège et le lycée. La cour des grands, c’était le lycée. C’était la cour d’honneur qui se présente ici, juste après l’entrée de notre établissement actuel. C’était là la cour des grands, pour les lycéens. Et nous, on avait la cour des petits, de la 6eme à la 3eme. C’était de l’autre côté. J’ai plein de souvenirs par rapport aux élèves qui étaient là, à cette époque. Mais l’un de mes plus beaux souvenirs, c’est que le recteur d’aujourd’hui, M. Marimoutou était élève à mon époque et M. Cadjee qui était principal chez nous, juste avant M. Bidegaimberry, était aussi un élève de mon époque.

Et le pire souvenir ?

Mon pire souvenir, c’est qu’à cette époque… ce n’était pas aussi facile que cela. C’était encore l’ancien temps, donc les professeurs étaient assez rigides et, comment vous dire cela ?… Nous on n’avait pas trop droit à la parole, c’était vraiment sévère à l’époque.

Depuis que vous travaillez au collège, quel a été votre plus beau souvenir ?

J’ai plein de souvenirs, mais l’un de mes plus beaux souvenirs, c’est que lorsque j’étais agent d’accueil, j’ai pu accueillir M. Cadjee, ancien élève qui est devenu principal dans ce collège. Ça, c’est un des plus beaux souvenirs : accueillir un ancien élève qui devient chef d’établissement.

Et le pire ?

Le pire, c’est que quelque fois, on a eu des soucis avec des parents qui étaient difficiles… Il y a eu aussi pleins de bagarres. Et l’un des pires souvenirs que j’ai eu, c’est qu’un jour, un surveillant de chez nous est mort assassiné, en dehors de l’établissement et cela nous a énormément chagrinés.

Quel élève vous a le plus marqué ?

Je dirais qu’il y a beaucoup d’élèves qui m’ont marqué. A mon époque, un moment donné au niveau du collège, il y avait des classes d’excellence et aujourd’hui, on se rend compte que mon dentiste est un ancien élève! Il y a plein d’élèves qui ont réussi : ils sont avocats, notaires…. Le collège Bourbon a fourni énormément d’élèves de grande qualité, au niveau de la vie active d’aujourd’hui. Un souvenir qui me revient, c’est qu’il y a eu un élève qui était un ancien lycéen, il est venu une fois me rendre visite. Il est devenu ingénieur à IBM (note de la rédaction : très grande multinationale américaine) aux États-Unis. Il était content de revenir au collège et surtout, il m’avait expliqué qu’il avait étudié chez IBM le cri des martins roses (ndlr : oiseau que l’on trouve en de nombreux endroits dans l’océan indien) et qu’ils avaient réussi à expliquer ce phénomène-là. Et lui était prêt à revenir au collège pour témoigner et parler aux élèves. La réussite des enfants que l’on voit ici fait toujours très plaisir. On dit souvent que c’est un collège cagnard etc…, mais on se rend compte qu’il y a énormément de réussite au niveau des anciens élèves.

Quel est le collègue qui vous a le plus marqué ?

Le collègue qui m’a le plus marqué, c’est celui qui va partir juste après moi, c’est M. Fravette. Disons qu’on a grandi ensemble, on est les deux plus vieux ici ! Mais je dirais que je ne fais pas de différence entre les professeurs et les agents, parce qu’on est une très belle équipe.

Quelle était votre anecdote la plus drôle ?

Un mercredi après-midi, j’ai eu la chance de recevoir les deux frères Vergès : Jacques et Paul, qui sont venus parce qu’il y avait une émission sur Antenne 2 à cette époque. Ils sont venus évoquer leur passage à la Réunion et j’ai pu prendre une photo avec eux. Ça, c’est un truc historique d’avoir eu les deux frères au collège Bourbon. J’ai aussi pu serrer la main de Jacques Chirac, qui était alors premier ministre (ndlr : Raymond Barre, premier ministre français de 1976 à 1981, a aussi été un élève du collège de Bourbon).

A travers ces années, qu’est ce qui a changé dans ce collège ?

Il y a eu des périodes avec plein de choses qui étaient bien… après, il y a eu des moments très difficiles, des élèves qui étaient très difficiles. Moi, ce qui m’a marqué pendant un moment, c’est lorsque le collège a pris conscience que les élèves étaient un peu faible au niveau des résultats pour l’examen du brevet. Ensuite, d’une année à l’autre, on est passé de 10 à 15% de plus ! Il y a eu un énorme travail entrepris par l’équipe enseignante et une réelle prise de conscience. Il y a eu aussi un travail qui a été fait par le chef d’établissement et son adjoint à cette époque. C’était M. Hardy (le principal adjoint de 2009 à 2013). Et c’est pareil pour moi. Je suis très sensible à la réussite des élèves. Même si nous on est agent, on a tendance à croire que nous on ne suit pas ce qu’il se passe ici, mais c’est faux. On est très fier lorsqu’on parle en bien du collège de Bourbon.

Pouvez-vous décrire le collège en 3 mots ?

Le collège en trois mots……C’EST MA VIE ! Ma vie parce que j’ai été élève, mes frangins étaient élèves ici, et mon père a travaillé ici. Pour moi c’est beaucoup de choses et pleins de souvenirs. Ma femme a également travaillé ici. C’est disons ma deuxième demeure, parce que j’y suis resté longtemps. Je fais 43 heures par semaines, donc c’est quelque fois plus que 9 heures par jour. Comme je l’ai dit, aussi bien avec les enseignants que les collègues agents, mais aussi avec les élèves, j’ai toujours eu de bons rapports. J’ai oublié tout ce qui n’était pas bon, je ne garde que les bons souvenirs. Et vous les élèves, j’ai toujours eu de bonnes intentions envers vous. Je suis toujours heureux quand les élèves sourient. D’ailleurs, souvent lorsque les élèves entraient, je leur disais : « souriez-vous êtes filmés ! »… c’était une façon humoristique de vous accueillir.

Nous avons apprécié la gentillesse de Monsieur Mithra. C’est un pilier pour ce collège et aussi la première personne que nous avons vu et connu dans le collège. Il a vu grandir de nombreuses générations. C’est un peu comme notre deuxième petit papa. Lorsque nous sommes arrivées pour la première fois au collège, nos parents lui ont dit : «Prenez bien soin de nos filles ! ». ET IL L’A FAIT !!!

Article écrit par Kenza Haviernick et Kenza Maillot.