Il s’agissait de partir d’une répétition anaphorique : élèves de 3ème qui lisez les textes de vos camarades ( il n’est pas interdit de rêver) c’est l’occasion de revoir ce qu’est une anaphore : répétition en début de phrase ou de vers d’un même mot ou groupe de mots ….On parle alors d’anaphore, ou encore de “répétition anaphorique” . De quoi me direz-vous ? Du groupe pronominal “Moi seul…” . ….Je reporte trois textes…même si l’un d’eux ne souscrit pas tout à fait tout à fait à la consigne….Mais pour une fois il s’agit d’une scène de théâtre….Nous allons vous laisser à votre lecture….que vous pouvez accompagner de ce morceau de Max Richter que les élèves ont écouté en écrivant…..
Texte 1 : Nuit Blanche ( par Sardine)
Moi seule….et heureuse, d’être seule, devant cette mer de nuages aux couleurs du soir . Seule, et impatiente, de voir le soleil se coucher pour le revoir demain, encore plus lumineux. Moi seule, et seulement moi, le regardant lentement chavirer, de l’autre côté, pour éclairer les autres personnes qui en ont besoin; elles ont passé une froide nuit, il est temps de les réchauffer, c’est à mon tout de frissonner .
Ce qui était ciel, devient feu, puis se transforme en abysses, et la Lune avec toute la douceur que je lui connais bien, apporte la sérénité de la nuit . Désormais moi, seule, dans la nuit, je regarde les étoiles , apparaître . Un peintre invisible qui tamponne peu à peu le ciel, de son pinceau fin, pour créer les constellations, qui rassurent de l’obscurité .
Moi seule je les regarde valser calmement entre elles, dans le silence du monde à son tour dans l’ombre, qui, je l’espère, lui aussi les admire . Ce serait dommage qu’il rate un tel spectacle, mais après tout, tant mieux, je les ai pour moi et moi seule . Et eux, aveugles de la beauté du monde, ne les auront pas . C’est ça : ils n’ont qu’à rester sur Terre, moi je pars les rejoindre, pour veiller avec elles, sur la partie froide de la planète, je pars avec elles, rassurer les insomniaques, et consoler les coeurs brisés . Je ferme les yeux, la fatigue m’y invite, je ne fléchirai pas . J’irai jusqu’au bout de la partie ombrée, j’accompagnerai ceux qui en ont besoin . Je n’ai pas le droit de les laisser seuls, ni les étoiles, ni la Lune, ni les coeurs brisés, je dois remplacer le soleil, le temps d’une nuit . Je dois les réchauffer, qui le fera sinon ?
Alors moi seule, je veille sur eux, sur la nuit, et quand la lumière reviendra je m’en irai…
La première lueur apparaît, elle réimbrique les coeurs brisés, le soleil lentement revient . Alors, moi seule, je m’en vais….
Sardine
Texte 2 : Sans toi ( par Lioko )
Moi seul en attendant ton retour depuis ton départ . Moi seul dans notre endroit préféré pour me remémorer nos souvenirs .
Moi seul sur notre lit en rêvant de nos moments passés ensemble .
Moi seul à l’église je prie chaque jour pour ton retour .
Moi seul sur la plage à penser à notre mariage .
Moi seul à imaginer ma vie après t’avoir rencontré .
Moi seul assis sur ce banc sur lequel je t’ai demandé en mariage .
Moi seul à penser à l’avenir de nos enfants .
Moi seul sur le canapé à me remémorer ton doux et magnifique visage .
Moi seul sur les balançoires à imaginer toutes les fois où je t’ai embrassée .
Moi seul pensant au rendez-vous en cachette à l’arrière de l’école .
Moi seul à m’imaginer dans tes bras .
Moi seul….m’écroulant de tristesse devant ta photo .
Moi seul me demandant comment je n’avais pas pu t’empêcher de partir ce jour-là .
Moi seul m’écroulant devant ta pierre tombale …
Lioko
Texte 3 : Perdu. ( par Venus )
La tête posée sur son bureau, dans le noir . Je ne l’avais jamais vu comme cela . Si épuisé, complètement débordé . Il était pâle . Bien qu’il soit déjà tout cela, ne pas avoir mangé depuis quelques jours le faisait ressembler à un cadavre, un mort, étalé sur une table en bois.Mon coeur se serra en le voyant dans cet état..
“_ Othan, tu n’as pas faim ? Je t’ai ramené…
_ Non, je n’ai pas faim .” Sa voix si faible me donna des frissons .
“_ Tu es si pâle pourtant.
_ Je vais bien .
_ Mais…
_ Arrête ! ” Me dit-il dans la froideur la plus totale .
“_ Othan, prends une pause !
_ Je ne peux pas, moi seul peux arranger les choses .
_ Tu n’es pas forcé de te rendre malade !
_ J’ai déjà abandonné trop de gens, des amis…mon peuple . Personne ne doit plus souffrir .
_ Tu n’y arriveras pas tout seul !
_ Je le dois . Moi seul peux vous permettre de vivre encore un peu . Moi seul suis aux commandes de la vie de milliers de personnes !
_ Tu n’es pas seul …”
Il attendit en silence que je lui donne un nom .
“_ Tu m’as, moi !
_ Alors je suis seul .”
Je retins mes larmes .
“_ J’espérais que l’homme que j’aimais n’avait pas totalement disparu, Othan .
_ Je…”
Je lui fis face et un instant je crus revoir un peu d’humanité dans ses yeux, un peu de lui . Etait-il revenu à la raison ? J’attendais qu’il s’excuse , qu’il m’enlace ou mieux, qu’il m’embrasse mais
“_ Va t’en ! J’ai du travail .”
Il n’était plus là . Je tournai les talons après avoir posé la petite assiette sur son bureau . Lorsque je fermai la porte, les larmes coulèrent enfin . Et qui cette fois pouvait les essuyer, une fois, sur mes joues ? Moi seul .
Venus