Il s’agissait cette fois-ci de décrire un paysage vu par un oiseau….sans mentionner l’oiseau …
Infini….
Les branches me percutent violemment, m’enlevant chacun leur tour une de mes précieuses plumes . Je vole si vite que j’ai à peine le temps de regarder le paysage qui m’entoure . Heureusement, j’arrive à distinguer le plumage coloré de mes ailes . Les ronces devenant de plus en plus fréquentes, je me force à ralentir la cadence . La lueur jaune pétante du soleil laisse place au rouge pastel du crépuscule, qui laissera à son tour la lueur infinie de la lune et des étoiles prendre place . Le brun profond des écorces vient compléter le beau vert pomme des champs qui s’étendent jusqu’à l’horizon .
Ces mêmes champs dans lesquels les moutons, les vaches et les brebis courent librement jusqu’à trouver leur bonheur .
Puis je tourne la tête et c’est là que je le vois : le terrifiant reflet d’un pauvre animal sans foyer ni famille , sans amis à qui raconter ses problèmes . Juste ce reflet d’une pauvre bête, les yeux délavés, le bec cassé et le regard brisé . Alors je reste là, immobile, à fixer le bleu infini des nuages qui se reflètent sur le maigre lac .
Je me laisse tomber lentement dans l’immense étendue à laquelle je fais front . Je laisse un courant m’agripper et me tirer jusque dans les abysses . Les algues m’attrapent . Les pierres se retournent, et le sable me murmure quelques mots doux .
MJ
L’impression d’être…
Sous un vent comparable à la fleur de coton, le paysage défilait aussi vite qu’un ruisseau . Malgré la vitesse on pouvait l’admirer avec précision : il y avait ces arbres et leurs nuances de vert ces animaux qui, à l’arrivée du printemps sortaient de leur longue et grande sieste et puis cette petite prairie couverte de pissenlits . La vitesse du voyage était rythmée par quelques battements d’aile suivi d’un planage qui laissait le temps de se guider .
Au-dessus de tout, le monde nous donne l’air d’être libre, l’ait d’être grand, l’air d’être loin .
Quand on suit la rivière de cette forêt on a l’impression d’être le plus rapide, quand on en suit les gros animaux on a l’impression d’être plus fort, quand on suit un humain il ne peut s’empêcher de lever la tête pour nous regarder, alors on a l’impression d’être Roi….
Jusqu’à ce que le coup de fusil retentisse et que le seul paysage qu’on puisse encore voir défiler soit noir .
Herbe de Saint Georges
La page qui va suivre, Sardine m’a laissé le soin de lui donner un titre…..certes ce n’est pas véritablement une description, enfin pas tout à fait. J’avais donc écrit le titre…mais j’écoute toujours de la musique en travaillant….et “sur le fil” m’a rappelé ce morceau de Yann Tiersen, qui s’accorde assez bien avec ce texte…. https://www.youtube.com/watch?v=DVsnq24Z1iI
Sur le fil
J’observe cette fille, qui elle-même m’observe chaque matin en prenant son petit déjeuner . Elle me regarde avec insistance, les sourcils froncés, la bouche entrouverte et le regard fier . Et comme chaque matin je m’enfuis, de peur qu’elle ne vienne m’attraper pour m’enfermer dans une cage . Chaque fois que je reviens le soir elle s’est encore assise, sur sa chaise en bois et mange cette fois-ci son dîner puis part se coucher .
On voit toujours, dans la cuisine derrière, ses parents, rigolant ensemble, s’embrassant tendrement, discutant calmement . Leur maison étroite est chaleureuse
Ils ont enfin installé les guirlandes de Noël, comme chaque année, et j’aperçois le sapin qui brille dans l’entrée ….Puis quand l’enfant part se coucher je disparaît aussitôt de mon fil, avec la sensation que la même journée qu’hier est encore passée …
Le lendemain quand je reviens, la même chose : la fille, son bol de lait chaud dans les mains , qui me regarde fixement .
Et la routine s’installe .
Cependant, au fil du temps, je remarque son regard de plus en plus morne, elle a l’air si fatiguée, les paupières si lasses, les épaules si basses . Ses parents dans la cuisine gardent juste le silence, ne s’embrassent plus tendrement, ne rigolant plus ensemble, l’ambiance paraît électrique, un coup de tonnerre peut éclater à tout moment, détruisant, grillant tout sur son passage, tout ce que cette famille a pu construire ensemble, unie jusqu’à présent .
Et elle, elle me regarde, les yeux avachis, son expression passionnée des autres fois ayant disparu à tout jamais .
Puis un soir que je n’oublierai jamais, elle était toujours assise sur sa chaise en bois, mais avec un air si….terrorisé, ses parents toujours à la même place rediscutaient enfin ensemble, mais ce n’étaient plus les mêmes et les mots d’amour qu’ils s’échangeaient avant , c’étaient des paroles venimeuses qui remplissaient le coeur de haine . La jeune fille, ne pouvant plus le supporter, monta dans sa chambre sans débarrasser son assiette . Les adultes ne le remarquèrent pas, continuant à s’échanger des mots blessants….
Perché sur mon fil, je vis la lumière de la chambre s’allumer : elle s’assit à sa fenêtre et une larme coula sur sa joue, puis deux, puis cinq puis une rivière entière vint tout à cou saccager le visage angélique de la pauvre fille, elle tourna la tête vers moi et me regarda avec envie . Elle aurait voulu, comme moi, s’envoler et partir très loin quand elle voudrait, où elle voudrait, sentir le vent se plaquer contre son visage et surmonter les courants d’air . Elle aurait voulu s’enfuir, au lieu de rester enfermée dans sa cage. Elle aurait voulu être libre .
Sardine .