Livre évènement « Violences sexuelles ENTRE mineurs : agir, prévenir, guérir »

Enfin, un ouvrage aborde la question,cruciale autant que déstabilisante des violences sexuelles ENTRE mineurs
Mesdames, Messieurs, Nous sommes heureux de vous faire part de la sortie de l’ouvrage « Violences sexuelles entre mineurs. Agir, prévenir, guérir ». Pour décrypter ce phénomène en explosion, 13 auteurs sont réunis sous la direction d’Olivia Sarton (Juristes pour l’enfance) et Claire de Gattilier (Famille et Liberté) : juristes (juge des enfants, procureur, avocat, maître de conférence, doctorant), assistante sociale, pédopsychiatre, psychologues, conseiller et formateur en vie affective, relationnelle et sexuelle.Quelles attitudes adopter ? Quels signalements envisager ? Le « consentement » de l’enfant, exclu avec un adulte, est-il pertinent entre enfants ? Quelle prise en charge psychologique pour les auteurs comme pour les victimes ? 

Agir, prévenir, guérir, tel est l’objectif de ce livre qui réunit une expertise réaliste mais aussi constructive et porteuse de projet pour l’enfance : loin de susciter la résignation, les travaux révèlent qu’une prise en charge des mineurs est possible, auteurs comme victimes.
Au fil des pages…. Violences sexuelles entre mineurs: état des lieux et analyses préliminaires Claire de Gatellier, présidente de Famille et Liberté, expose que: • entre 2016 et 2021, les violences sexuelles sur mineurs ont augmenté de 59,7 % avec une forte aggravation en 2020 et 2021, notamment à cause des différents confinements. En 2021, les mineurs mis en cause (ayant fait l’objet de dépôt de plaintes) pour des violences sexuelles représentent, selon un rapport du Sénat sur la délinquance des mineurs, 46% des mis en cause pour violences sexuelles sur mineurs.• Un tiers des  mineurs auteurs de ces violences ont eux-mêmes été victimes d’abus sexuels.• Les auteurs sont de plus en plus jeunes, en majorité de 12 à 18 ans mais certains faits concernent des auteurs (acteurs ?) âgés de seulement 3 ans. 1ère partie – APPROCHE JURIDIQUE

I – Signalements, qualifications, procéduresCarole Hardouin – Le Goff, Maître de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas et directrice des études de l’institut de criminologie et de droit pénal de Paris, explique que les mesures éducatives doivent être privilégiées, les peines pénales devant être l’ultime recours. La justesse de la réaction pénale à l’égard d’un mineur auteur de violences sexuelles consiste à ne pas l’accabler mais à agir pour le préserver de la récidive.  Elle s’interroge sur la compatibilité entre deux objectifs affichés : protéger l’intégrité physique et psychologique du mineur, et assurer la liberté sexuelle. Abordant la question du secret professionnel, elle fait part de la réticence des médecins à une obligation de dénonciation d’agression sexuelle : ils craignent que les victimes ne viennent plus se faire soigner. 

II – Regard pratiquePour Maître Adeline Le Gouvello, avocate au barreau de Versailles, il faut encourager les parents à saisir la Justice pour montrer aux auteurs que leur acte est grave et aux victimes qu’elles sont protégées, même si signaler des violences au sein de sa propre famille demande du courage. Au regard de son expérience, si le pardon est indispensable, le recours au judiciaire est le plus souvent nécessaire pour l’obtenir. Elle a aussi pu constater que contrairement à la formule bien connue, « la vérité ne sort pas toujours de la bouche des enfants ». 

III – Le rôle du parquetPour Frédéric Teillet, procureur de la République à Rouen, il convient d’encourager les personnes au courant d’une agression sexuelle à faire un signalement à la Justice, en rapportant des faits, et seulement des faits. L’enquête pénale permet de cerner au mieux la situation et d’identifier les mesures à prendre. Lorsqu’il y a agression sexuelle, il estime « délétère » de laisser la famille « gérer l’affaire », d’autant plus que la victime risque fort de reproduire ce qu’elle a subi. S’il comprend bien la distinction à faire entre les mesures éducatives et les peines, il estime qu’il y a des peines qui sont éducatives. Il relève enfin le problème spécifique des fratries dans les familles recomposées.

 IV – Quel est l’intérêt de saisir la justice? Violette Guillois, magistrat ayant exercé les fonctions de juge pour enfants, confirme que, s’il y a beaucoup d’inquiétude sur le choix de la meilleure réaction à un cas de violence sexuelle, la réponse judiciaire est le plus souvent nécessaire à la reconstruction de la victime comme de l’agresseur ; elle confirme aussi que très souvent, l’auteur de violences sexuelles a été lui-même victime d’abus, ce qui accroit l’intérêt de se tourner vers la Justice. Elle insiste enfin sur le rôle essentiel des adultes concernés par un dossier (parents, magistrats, psychologues…) : les enfants attendent d’eux les réponses aux questions qu’ils se posent…et que leur posent leurs actes. 

V – Le rôle des services de protection de l’enfance dans l’accompagnement des famillesViolaine Thomas, assistante sociale au service judiciaire d’investigation éducative de la Sauvegarde des Yvelines, intervient sur décision du juge pour enfants ; elle a pour mission de l’éclairer sur ce qui se passe effectivement dans la famille concernée. Elle constate la diversité des réactions des familles et fait part d’expériences encourageantes de travail éducatif mené avec des mineurs auteurs et leur famille. 

VI – Faut-il (et comment) condamner les mineurs auteurs?   Benoit Le Dévédec, juriste au CRIAVS IDF et doctorant, explore la notion de discernement du mineur auteur et attire l’attention sur la nécessité pour les professionnels de bien connaitre les infractions en matière sexuelle afin de pouvoir discerner les cas exigeant un signalement ou une dénonciation.   SECONDE PARTIE  – APPROCHE PSYCHOLOGIQUE

VII – L’influence de la pornographie sur le mineur consommateurAvec l’apparition du porno en ligne et l’apparition des smartphones, en 2007, détenus par de très nombreux enfants qui ont ainsi accès à internet, les agressions sexuelles ont flambé constate María Hernández-Mora, psychologue clinicienne en addictologie, responsable de l’Unité d’addictions sexuelles et cybersexuelles du CSAPA (Ermont, 95). Les neuro-sciences permettent d’évaluer l’impact de la pornographie sur le cerveau des enfants et des adolescents : elle imprime leur mémoire par la conjugaison de l’activité du cortex et le sentiment du plaisir ressenti. A l’adolescence, la partie du cerveau liée à l’émotion est formée, alors que celle liée à la raison ne l’est que vers 25 ans. La pornographie submerge l’esprit de l’enfant et peut créer une dépendance semblable à de la cocaïne ou autre drogue dure.Les chiffres sont significatifs : le premier contact avec le porno se fait en moyenne à 9 ans, dans la majorité des cas de manière accidentelle. L’enfant est sidéré, vit un véritable choc psychique. Il ne sait pas se situer entre l’excitation et le dégoût de son corps. Il revient à ces mêmes contenus pour comprendre ce qui lui arrive, explique María Hernández-Mora.80% des jeunes qui regardent des contenus pornographiques reproduisent par mimétisme les pratiques visionnées dans leur vie sexuelle. Or ces contenus contiennent de la violence, presque exclusivement à l’égard de la femme, qui en plus semble « aimer ça ». Il en résulte une diminution de l’empathie, une disparition d’un élément essentiel d’un couple, la tendresse, et une modification du rapport à la femme et du comportement de celle-ci. C’est l’une des raisons du développement de l’homosexualité, en particulier féminine, et du désir de « changer de genre ».La psychologue évoque aussi les réseaux sociaux sur lesquels les jeunes se transforment eux-mêmes en « objet sexuel », sans se rendre compte qu’ils vont ainsi devenir des victimes potentielles du chantage de ceux auxquels ils ont communiqué leurs photos intimes. Leurs parents et leurs éducateurs doivent les mettre en garde contre ces pratiques. 

VIII – Dans la prévention, l’importance d’une approche intégrale de toute la personne : corps, coeur, espritInès de Franclieu, déléguée générale de l’association Com’ je t’aime, animatrice de formations à la parentalité au sein de l’association Com’ Parents, plaide pour une réconciliation de l’esprit et du cœur, de la sexualité et de l’amour, de la féminité et de la maternité, au lieu de saucissonner la personne.  L’enfant ne peut pas se construire sereinement si on ne lui permet pas de faire l’unité de sa personne. S’il ne peut pas comprendre que « ce que je fais à mon corps, c’est à moi que je le fais. »  L’éducation affective et sexuelle doit tenir compte du développement progressif de l’enfant et de ses aspirations profondes : Les jeunes ont besoin d’entendre parler de l’amour et pas seulement de sexe et de danger. Le plaisir attire, il est immédiat. Mais le bonheur se construit : il demande du temps. » 

IX – Consentement de l’enfance t: mythe ou réalité? Sujet récurrent dans cette journée de travaux, la question du consentement. Pour Anne-Sixtine Pérardel, conseillère en vie affective et sexuelle et co-fondatrice de l’association Déclic qui agit pour aider les enfants et adolescents à sortir de la « porno-sphère », le consentement chez les mineurs est tout simplement un mythe. On passe graduellement de l’enfance à l’âge adulte, avec une période cruciale, la puberté, qui doit être accompagnée pour expliquer à l’adolescent ce que signifie le changement de son corps qu’il constate. Il faut lui faire percevoir que « mon corps, c’est moi » et qu’il mérite le respect. La majorité juridique de 15 ans ne correspond pas à la majorité affective et psychique, seule « garantie » d’un vrai consentement. Et il faut bien être conscient qu’aujourd’hui l’âge moyen de la vue par un enfant d’un premier film pornographique, qui constitue pour son psychisme un véritable viol, est de 9 à 10 ans.Ces données expliquent pourquoi l’éducation affective et sexuelle des adolescents est nécessaire. 

X – Prise en charge psychologique des mineurs auteursLe Docteur Maurice Berger, pédopsychiatre et psychanalyste, confirme que le psychisme se bâtit progressivement et lentement et qu’il ne faut pas donner à assimiler plus que ne le permet le psychisme atteint aux différents âges ; il considère absurde d’imposer à des enfants qui ne se posent encore aucune question les modèles d’éducation à la sexualité de l’Unesco et de certains pays européens, qu’il qualifie de « pornographie bien élevée ». Il alerte sur une autre réalité : le risque de suicide chez les mineurs auteurs de violences sexuelles, qui peuvent être rejetés et vus comme des monstres. Si la priorité reste d’empêcher la récidive, il faut aussi prendre soin de l’auteur et l’amener à prendre conscience des actes posés, des dégâts causés et lui permettre d’accéder à l’empathie vis-à-vis de la victime. Il évoque plusieurs cas où cette prise de conscience a été particulièrement difficile et où le recours à la Justice a été très utile pour faire comprendre que commettre de telles agressions, « cela coûte cher ». Cette utilité est accrue par la diversité des profils des agresseurs sexuels (impulsivité de l’adolescence, violences conjugales assorties de viol auxquelles ils ont pu assister, parents ignorant la notion même de « protection » d’un enfant, troubles psychiatriques…) car, comme l’a évoqué le Procureur Teillet, l’enquête pénale permet de cerner au mieux la réalité des faits et la personnalité de l’agresseur. 

XI – Comprendre et guérir : au coeur de la protection de l’enfanceSelon Richard Ziadé, directeur pédagogique de l’association Jean Cotxet (fondée par des juges pour enfants), dont la vocation est de protéger les enfants et de les aider à se reconstruire, en famille ou en foyer lorsqu’ils ont été victimes ou auteurs d’agressions sexuelles, le diagnostic n’a d’intérêt que s’il débouche sur un traitement conjuguant surveillance de l’enfant (et de son environnement) et bienveillance. Il est donc crucial d’arriver à faire se confier la victime, pour laquelle l’agression sexuelle subie est comme un incendie, une effraction dans son corps. Il n’est pas rare qu’un enfant choisisse à qui il veut parler, par exemple à une personne qui a pris soin de lui. Il faut prendre en compte la propagation du mal généré, d’où la nécessité d’une prise en charge globale, en prenant soin de ne pas le réduire à sa situation de victime. 

XII – Apprendre à poser un acte libre. Aristote, au secours!Valérie d’Aubigny, formatrice en éducation affective par l’art, éclaire pour finir sur ce qui fait la spécificité de l’homme, à savoir la liberté: encore faut-il apprendre à poser un acte libre, et Aristote déjà expliquait le fonctionnement des êtres vivants et de l’homme en particulier d’une manière toujours valable pour nous éclairer aujourd’hui .