Partons à la rencontre d’Adrien CARAGUEL

Ayant étudiés les textes autobiographiques en classe, notre professeur de français, Mme Richauvet nous a parlé d’un ami auteur. Nous nous sommes portés volontaires avec notre professeur Mme Maillot pour aller à sa rencontre ce mercredi 12 février 2025. Nous nous y sommes rendus l’après-midi par nos propres moyens à l’EHPAD de Terre Sainte, résidence  « Saint-Pierre ».

PARTONS À LA RENCONTRE D’ ADRIEN CARAGUEL

Il est né en 1925 à Souq El Tenine près de Bougie en Algérie. Il a donc 99 ans aujourd’hui et va sur ses 100 ans au mois de juin.

Comment êtes-vous arrivé en Algérie ?

Il y a eu une famine dans la région méditerranéenne et il manquait de main d’œuvre en Algérie. Mon grand-père était meunier et on cherchait un directeur pour une minoterie à Alger. En plus on offrait un petit bout de terrain (quelques hectares dit-il en souriant).

Vous avez écrit combien de roman ?

J’en ai écrit 2. C’est une écrivaine rencontrée dans un ascenseur à l’étranger, qui m’a donné l’envie d’écrire un roman autobiographique. J’essaye d’en écrire un 3ème qui parle de la naissance de ma fille…

Il rit en nous racontant un épisode du roman.

Dans ce roman, Adrien y raconte son adolescence et ses aventures avec son père dans les montagnes de Kabylie. On y découvre quelques aspects de l’Algérie coloniale dans cette région, mais également la vie de quelques jeunes dans la première moitié du XXème siècle.

Ce témoignage authentique révèle un fait demeuré ignoré en France, à savoir la formation outre-Atlantique de 4084* pilotes, radios, navigateurs, armuriers, mécaniciens, mitrailleurs et photographes Français, dans le cadre des Centres de Formation du Personnel Naviguant en Amérique (CFPNA), qui ont «concouru à la victoire finale». 

* source aviation américaine 1946.

Pourquoi ce titre : Les noyaux d’abricots ?

Il s’agit d’un jeu très courant en Algérie, accessible à tous les enfants car il ne coûte rien. Il faut être précis et démolir à une certaine distance avec un noyau projectile, des petits tas de quatre noyaux. Celui qui casse le dernier tas ramasse tout le paquet.

Comment êtes-vous arrivé aux États-Unis ?

Depuis mon plus jeune âge j’ai une passion pour les avions et le pilotage. Je fabriquais des petits avions en caoutchouc et en balsa (bois utilisé en modélisme).

Je préparais mon bac à Constantine et comme d’autres j’ai été remarqué par des officiers américains car le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord c’était en 1942. Nous devions piloter des avions de réserve. C’est moi le dernier à droite sur la photo du livre. Chacun d’entre nous l’a signée pour justifier de son authenticité dit-il en nous montrant la première de couverture.

Je suis donc engagé volontaire et fin 1943 à Casablanca j’intègre «Le Centre de Préparation du Personnel Naviguant» au sein duquel je suis «inscrit d’office» pour suivre des cours de pilotage aux USA pour la « formation en escadrilles ». J’embarque ensuite avec le 14ème détachement.

Hawthorne Field – 14ème détachement – Octobre 1944, lors de la cérémonie de remise des diplômes. Source : CFPNA

Parlez nous de votre rencontre avec le Général De Gaulle le 27 août 1945.

Hum, vous connaissez le faste des américains. Ils aiment faire tout en grand. Il nous cite une expression anglaise. Mais là c’était simple. C’était à Selfridge Field Détroit Michigan. Nous devions défiler mais à l’américaine. On lui a édifié une simple estrade. Il nous a regardé défiler. Après un bref discours pour remercier l’armée et le peuple américain, il nous a fait part de ses projets : nous envoyer combattre au côté des forces alliées dans le Pacifique.

Vous parlez combien de langues ?

Le français, l’arabe, l’anglais, le créole mauricien bien mieux que le créole réunionnais.

Vous avez eu plusieurs métiers ?

Oui j’ai été aiguilleur du ciel au Centre d’Aix-en-Provence puis j’ai intégré l’Éducation Nationale. En 1956 je suis arrivé à la Réunion. J’ai enseigné en tant que professeur d’histoire-géographie et j’ai été directeur du collège Hégésippe Hoarau pendant 5 ans (1962-1967, Rivière Saint-Louis).

Ensuite à Maurice, après l’indépendance de l’île (1968), pendant 9 ans, j’ai  coopéré avec le Gouvernement dans le cadre des accords culturels pour assurer la restructuration du système éducatif. Je suis ensuite rentré à la Réunion et j’ai fini ma carrière au lycée Roland Garros.

Quelle a été votre expérience préférée ?

Vraiment, c’est enseigner à Salazie comme professeur d’histoire-géo que j’ai préféré.

Qu’est-ce qui fait votre forme ?

Voilà plus d’une heure d’entretien et Adrien même s’il perd parfois le fil de la conversation est toujours souriant et ravi de partager ses souvenirs.

Il rit. C’est certainement le fait que l’éducation nationale a mis le sport à l’école et que j’ai appris à mémoriser à l’école. J’ai d’ailleurs eu à ce sujet une conversation un peu tendue avec un inspecteur un jour.

Pouvez-vous nous réciter votre poème préféré ?

C’est le poème de José-Maria de Hérédia : Les conquérants.

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré;

Ou, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

Gerfauts : grands faucons

Cipango : nom donné au Japon par Marco Polo

Waouh, nous sommes scotchées et applaudissons en chœur.

La rencontre se termine par un goûter (gentille attention de Mme Aurélie Ganova, la responsable de vie sociale).

Quelle vie bien remplie. Nous lui souhaitons de pouvoir fêter bientôt ses 100 ans et pourquoi pas, nous joindre à lui.

« Ce fut un moment fort en émotion et en partage. Son témoignage, empreint d’ histoires et de courage nous a captivé, nous les élèves. A travers ses récits, il a su transmettre avec humilité et passion les valeurs de bravoure et de dévouement qui ont marqué son parcours.

Sa présence nous a offert une précieuse occasion d’échanger sur le passé, ravivant des souvenirs et suscitant  l’admiration.  Ses souvenirs inspirants ont également rappelé l’importance du devoir de mémoire et du respect envers ceux qui ont servi leur pays. Nous remercions chaleureusement Mr Caraguel pour ce moment inoubliable qui restera gravé dans nos mémoires. »

  Louna Vitry, Mailys Magny, Noémie Payet et Stéphanie Hoarau

Photos de Stéphanie Hoarau.

Mme RICHAUVET N. Professeur de Lettres-histoire.

Lien :   Les Centres de Formation du Personnel Navigant en Amérique.

Auteur: LPFM2

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