Le jeu consistait à inclure l’extrait suivant quelque part dans le texte inventé : soit au début, soit à la fin, soit au milieu…
Ou la mort….( Par Sardine )
Elle avait, depuis toujours, été fascinée par cette fête . Elle raffolait des histoires terrifiantes au coin du feu, des costumes sophistiqués qui glaçaient le sang, des décorations oranges et noires, qui envahissaient les maisons de la cave au grenier, en passant par la cuisine, les chambres ou même les toilettes . C’était une gourmande des bonbons empoisonnés dans leurs sachets en plastique coloré . Elle trouvait toujours des déguisements plus farfelus, originaux, et elle passait des semaines à les confectionner, enfermée dans sa chambre, à ne penser qu’à ce jour où elle pourrait enfin le porter, se tamponner un peu de faux sang sur les joues, et aller de maison en maison piquer toutes les friandises . Nous la laissions sans crainte, Marie et moi, partir juste une petite soirée, faire la “chasse au sucre” comme elle aimait l’appeler !
Nous la regardions, debout sous le porche, frapper aux portes des voisins à ‘aide de ses minuscules mains, à peine grandes pour tenir son seau en feutrine en forme de citrouille, et presque chantonner de sa voix aigüe : “Des bonbons ou la mort!” . Puis quand elle était trop loin, nous rentrions dans le salon nous asseoir au coin du feu pour nous réchauffer du début de l’hiver . Nous nous demandions toujours comment elle faisait pour ne pas mourir de froid, toute seule, dans la nuit . Chaque fois, avant qu’elle s’en aille, Marie l’embrassait en lui chuchotant qu’elle était fière d’elle, et moi, je lui ébouriffais es cheveux en lui disant de faire attention . Et alors, elle nous répondait toujours la même phrase : “Vous savez, je suis grande maintenant”….
Mais un jour, elle n’est pas revenue de la chasse au sucre, et Marie, partie la chercher dans la nuit, n’est pas revenue non plus . Et chaque soir d’Halloween, ce cauchemar recommence . On m’a laissé seul, au salon, devant la cheminée .
J’étais, depuis, si abattu que la force de déménager sa chambre, encore parsemée de colles, ciseaux, qui l’avaient aidés à faire son dernier costume, ne voulait pas venir à moi … Au bout de quelques heures, je trouvai tout de même le courage de me lever pour me faire à manger, mais bien sûr, c’est à ce moment-là que les ampoules , le gaz et le chauffage décidèrent de m’abandonner, une fois de plus.
Tandis que, privé d’électricité, je cherchais le compteur à la lueur d’une bougie, j’entendis un remue-ménage dans la rue, d’où fusait la voix claire d’un enfant qui criait “des bonbons, ou la mort ! Des bonbons ou la mort !”….que de mauvais souvenirs .
Sardine
Sous le lampadaire ( par Marmotte )
Tandis que, privé d’électricité, je cherchais le compteur électrique à la lueur d’une bougie, j’entendis un remue ménage dans la rue, d’ou fusa la voix claire d’un enfant qui criait : ” Des bonbons, des bonbons ou la mort, des bonbons ou la mort !”Je relevai la tête et m’approchai à tâtons de la fenêtre , traversant l’obscurité .
D’en bas, une jeune fille m’observait, juste au pied de l’immeuble, comme si elle n’attendait que moi, fixant ma petite fenêtre du 3ème étage .Elle avait cessé de crier, le silence pesait dans la nuit . Que venait faire un môme dans ce village désert ? Ici tout était mort, les quelques maisons, vides, les autres appartements de mon petit immeuble, la ferme à la sortie du village, le clocher qui ne sonnait jamais …
Même les chats errants qui apparaissaient tous les matins à l’aube, errants jusqu’à ma porte et disparaissant après quelques croquettes, semblaient être des fantômes . Il y avait juste moi. Alors pourquoi était-elle là , dans sa petite robe blanche, pâle et fragile , ses grands yeux me suppliant .
Mes mains fripées, accrochées au rebord de la fenêtre, devenaient rouges . Il n’y avait pas un souffle
de vent, ni un nuage dans le ciel, en cette soirée de fin d’automne comme si tout était figé .
Juste sa petite silhouette frêle éclairée par le halo d’un lampadaire grésillant .
Je reculai d’un pas ou deux, puis m’enfonçai dans ma cuisine . Dans l’obscurité, je cherchais, ouvrant les tiroirs, observant les bocaux . Puis , au fond d’un vieux placard, entre les toiles d’araignée et la poussière, illuminé par un petit rayon de lumière qui traversait la fenêtre, il apparut, le petit sucre d’orge datant d’un milliard d’années , qu’une vieille femme m’avait offert, le seul que j’aie jamais eu .
Je le lui jetai par la fenêtre, et, le prenant dans ses petites mains, elle sourit .
Sous le lampadaire qui clignote et disparaît comme si le vent l’avait emporté, comme si elle aussi n’était qu’un fantôme de plus à hanter ce petit village .
Mais n’étais-je pas moi-même un fantôme ?
Marmotte