Atelier d’écriture du jeudi 8 avril 2021 Quand Stephen s’en mêle….

Oui je sais, vous attendez la publication depuis samedi, mais  je l’avoue je n’ai pas me reconnecter avant ce soir … J’avais besoin d’une trêve de connexion, une fin de semaine libre d’ordinateur ou d’écran de toutes sortes, alors je reprends mon clavier d’ordinateur ce soir …Cette semaine, il était question de description… voyons ce que nous en dit Stephen King . Au passage, j’aime Stephen King parce que d’un côté il démystifie le travail de l’écrivain qui est surtout un travail avec ce que cela comporte d’exigences et de compétences, mais il nous montre également très bien à quel point c’est un JEU de création dans lequel on se fait plaisir en même temps qu’au lecteur . Mais comme je ne suis pas Stephen King je le laisse dire ce qu’il a à nous dire sur la description beaucoup mieux que moi , après quoi je publierai le texte de…Sardine !

 »

Visualisez avant d’écrire ( Stephen King)

Trop d’écrivains en herbe ont le sentiment de devoir assumer tout le travail de représentation, devenant ainsi les yeux du lecteur. Ce n’est pas le cas. Utilisez des verbes vivants, évitez la voix passive, les clichés, soyez précis, élégant, laissez de côté les mots inutiles. La plupart de ces règles, et des centaines d’autres que je ne précise pas, s’installeront d’elles-mêmes si vous tenez deux promesses : la première est de ne pas insulter la vision propre du lecteur la deuxième est de tout visualiser avant d’écrire.

Cette dernière promesse peut vous amener à écrire plus lentement que d’habitude, notamment pour passer des idées (« c’était une vieille maison sinistre ») aux représentations. Quant à la première, elle nécessitera davantage de réécritures minutieuses en cas d’usage excessif de descriptions. Que cela vous plaise ou non, vous devrez couper, et vous concentrer sur l’essentiel.

Imaginons que vous vouliez décrire (et de ce fait en créer une image) une grande ville un jour de pluie, et faire ressentir une atmosphère maussade. Fermez les yeux et tentez désormais de visualiser cette ville, cette pluie, cette atmosphère. Vous avez ouvert les yeux trop vite. Réessayez, 30 secondes, peut-être même une minute. Qu’avez-vous vu ? Une ligne d’horizon ? Des immeubles ? Une vue aérienne ? Le ciel était-il clair ou menaçant ? Avez-vous vu des gens ? Des hommes qui tenaient leur chapeau, penchés en avant, le manteau gonflé par le vent ? Des femmes qui tenaient des parapluies ? Des taxis roulant dans des flaques d’eau ? Ces descriptions sont excellentes, elles sont les témoins d’un travail sur l’image.

Mais maintenant supposons que vous précisiez votre vision, que vous posiez votre regard sur un coin de rue de cette ville grise, pluvieuse et lugubre. Il est 15 heures et il pleut des hallebardes, regardez donc ! Sans compter que nous sommes un lundi, quelle poisse. Fermez les yeux de nouveau, cette fois une minute entière, et visualisez ce qui se passe sur ce coin de rue. Avez-vous vu le bus qui a éclaboussé une passante ? Les visages des gens qui traversent avec indifférence ou cachés derrière leur journal ? La publicité à l’arrière du bus, rendue floue par les gouttes de pluie ? Avez-vous vu l’auvent de la petite épicerie de l’autre côté de la rue, d’où coulaient des filets d’eau de pluie ? Avez-vous entendu l’eau jaillir dans les égouts ? Et quand les voitures freinaient devant le feu rouge, avez-vous vu la lumière de leurs feux arrière se réfléchir sur le pavé ?

Certaines de ces scènes peut-être, mais certainement pas toutes. Vous avez peut-être vu d’autres scènes, tout aussi intéressantes, peut-être même des bribes d’une possible intrigue dans ces images, un homme qui courrait sous la pluie, qui jetait un œil par-dessus son épaule, ou un enfant en ciré jaune, poussé brutalement dans une voiture, ou peut-être avez-vous juste des images. Mais croyez-le : si vous tenez une image, vous pouvez la coucher sur le papier. Si vous en doutez, essayez d’écrire immédiatement ce que vous venez de voir. Vous connaissez ce sentiment : écrire c’est revivre, et en écrivant, l’image vous sera de plus en plus précise, et belle par sa précision.

Rédigez un paragraphe, Rédigez-en deux. Ensuite créez un personnage qui vivra ce lundi pluvieux. Ou, si un semblant d’intrigue s’est dessiné devant vos yeux, courez-lui après avant qu’il ne s’efface. Suivez l’homme qui court, ou entrez dans la voiture pour découvrir qui a poussé l’enfant et pourquoi. Vous en avez la capacité si vous ouvrez votre troisième œil complètement.

Un dernier mot : ne vous laissez jamais entièrement transporter par la représentation. Les yeux voient tout, mais l’esprit derrière les yeux doit juger de ce qu’il doit conserver et de ce qu’il doit jeter. Une fois que vous aurez habitué votre troisième œil à voir clairement, votre plume vous démangera. Si vous écrivez de la fiction, vous ne voulez pas noyer vos lecteurs. Rappelez-vous que la représentation amène l’intrigue et que l’intrigue amène tout le reste. Mais souvenez-vous que le plus grand plaisir de l’écrivain est de voir, et de voir parfaitement. Le troisième œil peut voir à l’infini. C’est un peu comme avoir un parc d’attractions dans le cerveau, dans lequel toutes les attractions seraient gratuites. Testez donc vous-même.

Waouh ! ( par Sardine)

Je ne suis pas née ici, je suis née en Afrique, dans un petit village du Nigéria . Ce village, tel que ma grand-mère me le racontait le soir quand j’étais petite, a toujours été joyeux et bienveillant envers le monde . Le léger grincement de la manivelle du puit auquel nous buvions me berçait la nuit, et les cris des carillons avaient le pouvoir de m’endormir en à peine cinq minutes .

Notre village ne pouvait jamais être silencieux, les enfants  jouaient au ballon sur la place, les adultes  chantaient en coupant du blé et les rares animaux apprivoisés s’aboyaient dessus chaque fois qu’ils se croisaient . Notre maison était si vivante, avec sa grande bibliothèque remplie de contes de fée dans le salon . Avec son odeur de plats typiquement africains . Et les personnes qui y vivaient étaient encore plus chaleureuses ! Certains habitants du village venaient des après-midis entières dans notre « chez nous » pour se ressourcer, et il arrivait parfois que des gens viennent y dormir . Nous n’avions pas beaucoup de place avec nos deux petites chambres mais nous nous serrions tous à dix pour pouvoir dormir paisiblement .

Les rares nuits où il pleuvait, nombreux étaient les gens qui venaient se protéger dans notre maison au toit de tôle rouillée . Ces nuits-là, on se racontait des histoires en buvant du thé autour d’une minuscule table de bois ronde qui normalement ne pouvait accueillir que six ou sept personnes . Quand un orage grondait, tout le monde se serrait en priant qu’il n’abîme pas l’habitation .

C’était ça ma maison d’enfance, emplie de joie et de bonne humeur, car, même si nous n’avions rien, nous étions heureux à l’idée de vivre et de profiter de la vie au lieu de nous morfondre à dire que la nourriture et l’eau manquaient .

 

Ce que j’aime dans ce texte : en tant que lecteur j’apprécie que Sardine utilise des actions pour nous emmener sur les lieux qu’elle veut nous faire voir, nous faire sentir, nous faire entendre . moi, lecteur, je sors de ce texte court avec une vision vivante de ce village d’enfance : ce n’est pas une description qui pourrait m’ennuyer, c’est un récit vivant qui m’emmène dans ce village à la manière d’un vieux film en noir et blanc à l’image un peu effilochée .

Ce qui peut être amélioré : la cohérence des détails, leur vraisemblance . Prenons un exemple : Sardine nous parle d’une « grande bibliothèque »….je m’imagine un certain type de maison, qui n’a rien à voir avec « une maison au toit de tôles rouillée »…eh bien cette distorsion – qui vient d’un changement de cap en cours d’écriture- fait rentrer dans le récit une incohérence qui prouve que Sardine n’a pas VISUALISE avec assez de précision et de continuité ce qu’elle a souhaité décrire .

Tout comme moi, elle va relire attentivement la page de Stephen King….et je suis certain que la prochaine description sera différente…peut-être même devrait-elle retravailler celle-là même, en commençant par fermer les yeux pour VOIR ce qu’elle écrira .

JEUDI prochain ? Certains m’ont demandé si dans un récit qu’ils écriraient on ne pourrait pas introduire un ou deux noms de drogues : je comprends bien qu’ils aimeraient « surfer » sur certains aspects supposés « comiques » liés à l’ingestion de drogue….je vais y réfléchir de mon côté, de même, ils réfléchiront s’ils me lisent à ceci : quel que soit le récit qu’ils écrivent, il ne pourra en     aucun cas  laisser dans la tête du lecteur une impression positive sur les effets d’une drogue : en soi c’est une contrainte et je trouve intéressant qu’on se l’impose – ce qui n’empêche  pas du tout que certaines parties du texte produit soient comiques s’ils le souhaitent…à Jeudi !

 

Les commentaires sont fermés.