Atelier d’écriture du lundi 22 novembre 2021

John Gardner…ça vous dit quelque chose ? Eh bien je l’avoue , à ma grande honte ça ne me disait pas grand chose jusqu’à ce que je cherche des idées géniales d’ateliers d’écriture pour le petit groupe du lundi, et que je tombe sur des idées proposées par cet écrivain britannique, ….un drôle de bonhomme, qui s’est forgé une vie pas ordinaire : prestidigitateur….commando….puis pasteur…écrivain, auteur de romans policiers…( auteur de quatorze « James Bond »… ) critique dramatique …Il avait compris qu’on n’a qu’une vie …à méditer non ? J’apprends entre autres qu’il a écrit un bouquin : « Art writing », destiné aux jeunes auteurs, et dédié à ses amis enseignants d’écriture créative…Autrement dit parfait pour un atelier d’écriture … ce lundi je suis donc allé puiser du côté de ses idées, et j’ai choisi le thème suivant :

« Décrivez un lac, tel que vu par un jeune homme qui vient de commettre un meurtre. Ne pas mentionner le meurtre ».

Auto-censure

                                                                                             Il est grand, mais pas grand comme la table à manger d’une famille nombreuse, grand comme au moins trois terrains de foot mis côté à côte pour former cette immense piscine naturelle, un coin idéal quand on sait que l’été arrive…Heureusement que je suis le seul à connaître ce paradis aux couleurs vives , à la végétation luxuriante . Je marche lentement, fatigué par ma course à vive allure que je viens de terminer, pour me sentir enfin en sécurité .

J’ai le souffle court, la gorge sèche, mes membres tremblent sous l’effort de devoir encore continuer à avancer en ne pensant pas à la fatigue que j’ai du endurer jusqu’à maintenant…Je m’arrête tout au bord, mes pieds touchant presque l’eau du lac, paisible et calme . J’observe ce qui m’entoure, de grands arbres qui se trouvent tout autour du point d’eau semblent pouvoir se pencher au-dessus de lui pour admirer les poissons nageant tranquillement entre les algues vert émeraude , qui ondulent sous l’effet du courant que produisent les poissons …Je prends une grande respiration, je sens dans mes poumons l’air frais de la montagne. Je décide, ou tout au moins mon corps décide, trop fatigué de me faire tenir debout, et s’allonge dans l’herbe douce…Je repense à ce que j’ai fait, à l’horreur que j’ai perpétrée . « Quoiqu’il arrive ils vont te retrouver, tu vas bien devoir sortir de cet endroit merveilleux, une personne abominable se doit d’aller dans un lieu abominable… » me siffle la voix dans ma tête . Je déteste cette voix, malheureusement elle a bien trop souvent raison pour que je ne l’écoute pas : je SUIS abominable, ce que j’ai fait est innommable, je le sais, et je me retrouve là, à bronzer tranquillement dans l’herbe verte de ce si bel endroit ….

Il me prend tout à coup l’envie de sortir ma colère de ma tête, je me lève et me dirige alors vers le bord de l’eau, et prends une pierre sur le sol, je place mon bras vers l’arrière de ma tête, tends mes muscles….mais au moment où je me prépare à la lancer au milieu du lac pour me détendre et me défouler, la voix me souffle encore une fois : « Si tu jettes cette pierre, elle pourrait assommer et tuer un poisson à la surface , ou elle pourrait encore écraser le corps fragile d’une grenouille se reposant tranquillement sur un nénuphar, es-tu sûre de vouloir encore ça ? » Elle a encore raison , j’ai déjà fait assez de mal comme ça pour aujourd’hui…C’est à moi de payer pour ce que j’ai fait . Je tends une deuxième fois les muscles de mon bras mais au lieu de lancer la pierre le plus loin possible, je vise mon crâne, pour me punir de la chose horrible que j’ai faite .

Sardine

 

Lac en feu . Lac rouge sang

Ce coucher de soleil est sûrement le plus beau que j’aie jamais vu . en face de moi, celui-ci illumine d’une lueur écarlate le lac, qui quelques jours auparavant avait déjà succombé à l’hiver . Ce lac est d’ailleurs comparable à un miroir, comme ceux des grands châteaux, ceux dont on ne discerne plus le bas du haut. Ce grand miroir est comme hypnotisant, mon regard ne se détache plus de lui, tandis que les rayons du coucher du soleil se réfléchissent sur ce dernier en laissant l’illusion d’un lac en feu .

Autour de moi pas un seul bruit de vie urbaine, seulement le bruit du vent qui caresse les sapins alentour . Ni loups, ni oiseaux ne se donnent en concert . Rien que moi, le vent….et la résonance d’un cri agonisant encore mélodieux dans encore mélodieux à mes oreilles .

J’admire les derniers rayons qui laissent place à l’obscurité . Mais face à la sombre nuit même sans aucune lumière du soleil rougeâtre, le lac me paraît toujours aussi rouge, cette fois-ci d’un rouge semblable à celui du sang . Un rouge dont la neige s’imprègne bien, un rouge comme celui de mes mains .

Herbe de Saint Georges .

 

Voilà….on aurait pu s’arrêter au vote du groupe, mais j’aime bien d’autres textes, ils ont tous des qualités littéraires différentes  et je m’autorise donc à en recopier un autre que je trouve vraiment poétique, touchant, dramatique…même si il ne correspond pas tout à fait à la description demandée …

Pourquoi ?

Les étoiles se reflétaient dans l’eau ténébreuse et donnaient une impression d’immensité incroyable . J’avais toujours été sensible à la beauté, ce qui étonnait beaucoup de gens. Mais pas elle . Elle m’avait toujours compris, trop compris .

Je me penchais vers l’eau, l’image de son visage dans l’esprit . Je regardais mon reflet illuminé par la lune . Mes cheveux coupés à ras, ma barbe naissante, mes yeux perdus les traces de son sang qui imbibaient mes vêtements, trempaient mes cheveux, tâchaient mes mains et coulaient le long de mon visage . L’image que je donnais, accroupi les pieds dans l’eau, dans l’obscurité éclairée par le clair de lune, le corps écarlate correspondait tout à fait à ce que j’étais : un fou .

Pourquoi ? Pourquoi tout tournait-il mal quand je pensais que ça allait mieux ? Pourquoi étais-je cette chose ? Pourquoi …..J’avais tant de questions sans réponses, tant de crainte, d’amour, d’angoisse, de solitude et surtout tant de haine en moi . Les larmes roulant sur mes joues, le visage levé vers la profondeur du ciel, je hurlai je hurlai tout ce qu’il y avait en moi de cette bête folle que j’étais . Les ombres des arbres semblaient se moquer de moi , elles se balançaient au rythme du vent . Je m’assis sur les cailloux qui entouraient le lac . Mes pieds écorchés saignaient et notre sang se mélangeait au sol .

Mes pensées me ramenèrent sur ma première crise : j’avais 7 ans et j’avais cassé un bras à un garçon sans qu’il ne m’ait rien fait . Ca avait continué , j’étais devenu agressif, sans raison . Les médecins avaient diagnostiqué un trouble psychologique . La plupart des fous violents ont perdu leur famille ou vécu un évènement tragique, mais moi je n’avais pas d’excuses . Seul son visage me calmait . Je commençais à devenir « normal » : maman n’aimait pas que j’utilise ce mot…c’était vrai, je n’étais pas normal….Ou alors, pourquoi avais-je fait cela ?

 

Marmotte

Et puis deux autres textes …..

Je vois rouge

                                                                                              Je restai là . Ma respiration était forte, mais calme comme si j’étais enfermé dans une boîte . J’étais partagé entre une sensation affreuse d’angoisse et la beauté de l’endroit .La lumière douce du soleil levant commençait à peine à sortir de sa cachette .Où était-elle passée toute la nuit ? Je me concentrai à nouveau sur ma tâche et avançais, les pieds dans l’eau du lac . Je plongeai soigneusement les mains dans l’eau et les frottai l’une sur l’autre avec délicatesse . Le rouge de mes mains se mélangea au lac et ensemble ils dansèrent, tournoyèrent de manière presqu’envoûtante .

Ce rouge, ce rouge bien plus rouge que ses lèvres mais qui malgré tout m’y faisait penser . C’était SON rouge après tout, celui que je lui avais dérobé .Et bientôt tout le lac fut recouvert de rouge . Je m’avançai encore plus dans ce bain de couleur et l’eau m’arriva jusqu’aux épaules .J’eus une pensée pour ma pauvre chemise, mais elle était déjà noyée, noyée de rouge . Il faisait encore noir, mais dans ce noir, moi je voyais rouge . Le ciel était rouge, l’herbe était rouge, et l’eau d’un rouge sang presqu’étouffant .

Sur cette eau je m’allongeai, les yeux fermés. Et lorsque je les rouvris, elle était là, elle m’attendait, je savais qu’elle était encore là  Alors dans cette eau soudain redevenue claire je la pris dans mes bras et la serrai à en perdre toute force . Mais enlacée dans mes bras elle fondit, elle fondit jusqu’à devenir de l’eau, de l’eau rouge et moi j’étais de nouveau l’homme habillé de rouge qu’on regardait comme un monstre. Mes nerfs bouillonnaient, mais j’eus beau crier et frapper cette mer rouge de toutes mes forces rien ne changea . Seules des gouttes rouges éclaboussèrent mes joues et mes doigts .

Alors je compris, je compris et je me laissai couler au fond de ce lac …

Kayko

 

Voilà un texte qu’il m’a fallu relire…je me suis permis une ou deux petites, toutes petites modifications . En fait la récurrence du rouge ne m’a pas choquée à la deuxième lecture….au contraire…j’ai enlevé la dernière touche de rouge dans la dernière ligne et je l’ai remplacée par ces points de suspension, car il m’a semblé que seule cette dernière répétition  pouvait fausser cette page que personnellement j’ai vraiment appréciée . Et enfin le dernier texte, un peu (trop?) énigmatique, mais dont la poésie me touche aussi …

 

Ils me fixent tous

                                                                                          La lumière perce à travers les fines branches des sapins . L’herbe crisse sous mes pieds . Mes doigts sont gelés . Je n’ai qu’une envie : rentrer, mais je ne peux pas, je n’ai pas le droit . Je dois l’attendre .

Les moineaux piaillent derrière moi, et j’entends les maigres pattes des écureuils qui se baladent sur les troncs . A mes pieds se trouve un rosier , une magnifique fleur d’un rouge sang me fixe . Je la trouve plutôt attirante . Elle a l’air immortelle , j’ai l’impression que ses pétales ne pourront jamais faner . Quand tout à coup un cri strident retentit . Je me lève d’un bond et regarde le reflet des montagnes sur le lac : j’ai l’impression que lui aussi me fixe . Comme si l’imposant reflet me parlait, me chuchotait de ne plus bouger .

Mais je ne l’écoute pas, je cours le plus vite possible en regardant derrière moi toutes les trois secondes . Quand je m’arrête enfin, je vois des silhouettes…elles me regardent fixement…Des yeux terrifiants m’appellent . Puis c’est là, à ce moment précis que je la vois, qui s’approche de moi doucement, je la prends dans mes bras …

Dahlia

 

Voilà pour cet atelier….je n’ai pas résisté : je les ai tous mis . Des qualités dans chacun de ces textes ….difficile de choisir ….

 

 

 

 

 

 

 

 

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