Atelier d’écriture du lundi 31 janvier 2022

J’ai pensé voyager un peu, histoire de varier les plaisirs . J’ai amené un ancien cachet en ivoire sculpté qui me vient du Viet-Nam ou de Chine….Il représente une sorte de petit dragon, ou plus exactement une sorte de chien qui semble hurler à  la lune . Certes il a chuté plus d’une fois , ( les chats s’en sont donné à coeur joie ) mais sa gueule cassée n’empêche nullement de comprendre ce que cela représentait .

Ajoutons à cela un air de flûte japonaise ( que je vous glisse subrepticement )et l’heure du départ a sonné …..pour nous emmener dans trois voyages différents….https://www.youtube.com/watch?v=miUKO5g0ONk

Le cours de la rivière…

 

Elle a froid . Peut-être est-ce l’effet de cette petite brise d’automne. Peut-être pas . Peut-être est-ce juste cette sensation de solitude . Elle n’est pas désagréable en soi, c’est calme, il y a juste ce froid, qui me caresse, qui me fait trembler ……qui fait trembler les feuilles ocres des arbres et les fait s’envoler à travers la forêt . Les derniers rayons du soleil viennent teinter cette forêt d’or à travers les arbres . Ce qui les teinte d’un calme encore plus beau . Et encore plus froid .

Elle reste assise sur ce pont, malgré le froid . Car elle s’en fiche, car elle sait que si elle rentre cela ne changera rien .

Elle me regarde, peut-être devrais-je lui rendre sa chaleur, mais elle a compris, elle ne veut juste pas regarder la vérité en face . Elle sait, pourtant, elle sait depuis que je lui ai donné ce petit dragon accompagné de ces mots  » Mon esprit ira là où tu veilleras à ce qu’il suive le cours de la rivière. » Elle m’avait regardé avec incompréhension, mais son coeur avait compris .

Son esprit avait compris, plus tard, quand ils avaient dispersé mes cendres et que l’une d’elle s’était déposée sur le museau de la petite sculpture en ivoire . Il ne manque plus qu’elle .

Il lui suffit d’accepter, d’accepter qu’elle sait . Elle caresse mon museau doucement . Les larmes coulent sur ses joues . Des larmes libératrices . Elle a compris alors elle se lève, en continuant de trembler. Elle me serre de toutes ses forces entre ses mains . Elle me lâche, lâche cet ultime cadeau que je lui ai fait . Alors il s’envole, ou je m’envole, qu’importe, nous heurtons ensemble l’eau . Alors elle n’a plus froid .

 

Marmotte

 

Jardin japonais

J’effleure lentement la statue de granit. Un frisson me parcourt la nuque . Le tigre de pierre me fixe intensément d’un regard apaisé . La maigre statue est posée sur un piédestal qui menace de s’écrouler sous le poids de la roche . Une mélodie se fait entendre depuis les profondeurs du temple . Je pivote doucement, laissant le regard calme du tigre derrière moi .

Les cerisiers en fleurs ont laissé tomber un chemin de pétales qui mène aux portes du temple . Mais quand le rythme de la musique s’intensifie, mon coeur se met à battre plus vite . Je me lance dans l’escalier de bois qui me fait face . Les marches sont recouvertes de paille qui crisse sous le poids de mes pas .

Arrivée devant les portes de bois sculpté je les  franchis paisiblement, derrière, un chêne immense, puis , un peu plus loin, une marre. Je m’engage sur le pont, dont les planches craquent sous moi . Sur cette vaste étendue d’eau, se trouve un lotus, solitaire .

Mais sa beauté n’égale en rien le reste de la mare .

MJ

 

La douleur du dragon

Je l’avais trouvé enseveli sous la terre, sur le chemin où je me promenais tous les dimanches . J’avais d’abord pris ça pour une racine qui dépassait du sol, mais au fur et à mesure que je me rapprochai je vis plus en détail le dragon délaissé de ses ailes, assis la tête rivée vers le ciel . Il avait les yeux exorbités, la gueule grande ouverte, il hurlait à l’agonie, on pouvait sentir son désespoir jusqu’à la pointe de ses griffes ….

Il devait sûrement, autrefois, avoir une couleur superbe, mais le temps et la terre avaient eu raison de lui et ainsi lui donnaient un aspect jauni, presque marron dans le coeur de chaque écaille, où la terre avait su s’insérer .

Comment une sculpture si fine s’était retrouvée ici, à moisir dans un sentier perdu . Des dizaines de gens avaient du marcher dessus et pourtant, il suffisait de quelques coups de brosse pour le faire blanchir, et s’il avait aussi bien résisté au temps, le matériau devait être solide .Sûrement de l’ivoire, cela expliquait sa couleur un peu jaune !

Après l’avoir lavé, je me souvins d’une vieille légende que racontaient les habitants aux rares touristes qui passaient l’été ici : deux âmes-soeurs avaient eu un coup de foudre pour une maison près de la rivière, ils s’étaient installés, étaient heureux et ne demandaient rien de plus . La femme attendait même un enfant ! Ils vivaient de peu mais ne demandaient rien de plus que la paix de la campagne .

Hélas un jour, la femme remarqua que son mari s’affaiblissait de plus en plus . Il ne pouvait plus rien faire que de rester dans son lit à agoniser . S’ennuyant à mourir dans son lit, il sculpta une figurine pour remercier sa femme de s’occuper de lui , une sculpture d’une finesse impossible, que même le meilleur sculpteur n’aurait su reproduire .

Le jour où il mourut, sa femme était perdue: pourquoi rester ici si son mari n’était plus avec elle ? Désespérée, elle se noya de son plein gré dans la rivière, serrant dans ses mains son dragon, si précieux !

On raconte que son âme, enfermée dans le corps du dragon, cherche encore son mari , et qu’il hurle à l’agonie pour retrouver son bien aimé .

Sardine

 

 

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