Les élèves, dont principalement les 307 et 303, ont travaillé sur la commémoration de l’abolition à la lisière entre art de la carte (map art), art de rue (street art), art textile, en référence à deux artistes : Wilhiam Zitte avec son concept d’artcréologie, et Ernest Pignon-Ernest pour le dialogue qui se fait in situ entre image du corps et support de l’œuvre, temps et espace.
Les symboles qui sont convoqués par les matériaux employés, la toile de jute, le papier imprimé, le henné, le curcuma, le raphia, la canne à sucre et ses dérivés, le café, les clous de girofle, la cannelle le sabre, les branches de bougainvillée, les mots et signes, les dessins de mains et d’oreilles, les totems, les fleurs de canne, les visages noirs, les oiseaux découpés, les pochoirs de têtes « kaf » réalisés à la bombe, ont été choisis pour leur pouvoir évocateur.
Les techniques mixtes utilisées et les gestes réalisés pour la carte comme pour les pochoirs, qu’il s’agisse de teindre, peindre, tresser, coudre, coller, déchirer, découvrir, attacher, découper, assembler, dessiner, écrire, visent à reconstituer, comme un travail d’enquête ou de fouille archéologique, et représenter une histoire inscrite dans la toponymie de l’île comme dans la généalogie de ses habitants et dans leur culture : la langue créole, le moringue, les contes, les rites, les danses, l’artisanat, le maloya…
Les documents utilisés pour réaliser les supports sont repris d’ouvrages ayant trait à l’esclavage sur l’île Bourbon, des citations d’historiens, extraits de journaux, morceaux d’affiches, des poèmes, toutes sortes d’écrits qui évoquent l’appétit de lecture et la soif de savoir de ceux que Herbert Gerbeau appelle « marrons du syllabaire », ces esclaves qui dérobaient des débris de papier, des fragments de journaux, pour apprendre à lire en cachette et s’instruire à grands périls.
Cette réalisation se veut donc un hommage respectueux mais aussi appel à réflexion, car à quoi sert d’être libre si on ne sait pas quoi faire de sa liberté ? elle rappelle, plus que jamais, que le savoir est une arme, l’école et l’instruction voies de l’émancipation.
« S’il y a une leçon à tirer de ces histoires de Nègres marrons, ce n’est certainement pas le “ressentiment” d’un côté (chez des “Noirs” réduits au statut de victimes) et la “repentance” de l’autre (chez des “Blancs” réduits au statut d’oppresseurs), c’est une leçon de liberté et d’espoir. » Dénètem Touam Bona