« Il était une pomme d’antimatière… »

Léa-Maria et Tatiana, élèves de TS2 et de l’atelier des deux infinis, participent au concours organisé dans le cadre de la nuit de l’antimatière, organisée lundi 1er avril conjointement par le CNRS, qui fête ses 80 ans, la Société Française de Physique et le CEA, en partenariat avec le journal Sciences et Avenir :

http://www.cnrs.fr/fr/evenement/nuit-de-lantimatiere

Pour cela, elles ont écrit une nouvelle, que vous trouverez ci-dessous.

 

Il était une pomme d’antimatière

C’était une après midi d’été. Je m’étais assise sous un pommier. Eliott et Théa, mon cadet et sa jumelle, me regardaient. Ma petite sœur somnolait. D’une petite voix timide, elle s’aventura :

« Garance, tu pourrais nous raconter une histoire ? »

Je n’avais pas d’idée mais je lui souris et hochai la tête. Et si je lui parlais de physique ?

« Tu aimerais une histoire de particules, Théa ? »

Elle eut l’air étonnée mais acquiesça. Alors je commençai.

 

« C’était l’histoire d’une pomme. Mais pas d’une pomme comme les autres : accrochée à sa branche, Manzana se sentait différente. Pourtant en apparence, elle n’avait rien de spécial. De son arbre, toutes les pommes allaient tomber un jour, et toutes en avaient la certitude, sauf une. Ses amies tombaient les unes après les autres, mais Manzana, elle, éprouvait une sensation étrange. Elle se posait une question : le jour venu, devrait-elle tomber au sol comme les autres ou bien s’envoler vers le ciel ? Les jours passèrent et Manzana finit par être la seule pomme encore accrochée à l’arbre. Elle était tourmentée. Que faire alors ? »

Soudain, mon petit frère m’interrompit :

« Moi je suis sûr qu’elle va s’envoler ! »

– Mais non Eliott, toutes les pommes elles tombent par terre ! » lança Théa.

Je souris et lui répondis :

« C’est vrai Théa, mais Manzana n’était pas une pomme comme les autres. C’était une pomme d’antimatière.

— D’anti-quoi ?

— D’antimatière. C’est une sorte de matière mais différente de celle que l’on connaît,  de celle qui constitue notre monde. Elle réagit un peu différemment mais on ne la connaît pas encore très bien.»

Je fis une courte pause avant de reprendre :

« Vous voulez savoir ce qui lui est arrivé ?

— Oui ! » s’écrièrent-ils en cœur.

« Et bien le grand jour arriva. C’était aujourd’hui qu’elle devrait quitter l’arbre. Elle était désormais prête. Le fils du fermier qui passait par là l’aperçut et s’étonna qu’elle soit encore là. Il s’avança alors vers le pommier, tendit sa main pour la cueillir… et là, elle disparut ! »

Théa ne cacha pas sa surprise.

« Mais alors… ? »

« Alors on ne sait pas. Manzana serait-elle tombée ou bien se serait-elle finalement envolée ? Même les scientifiques n’ont toujours pas de réponse à cela. Mais ils cherchent, font des expériences avec des particules : une sorte de minuscules grains, plus petits que la plus petite chose que tu puisses imaginer. Des particules d’antimatière donc, comme celles qui constituaient Manzana. Un jour on aura sûrement la réponse. Mais en attendant, c’est à vous d’imaginer… »

Et sur ces mots, je vis que Théa et Eliott s’étaient endormis sous le pommier.

 

Je me replongeai alors dans ma lecture, et fus interrompue un peu plus tard par Théa, qui s’était réveillée :

« Qu’est-ce que tu lis ? » me demanda ma petite sœur, qui regardait par dessus mon épaule.

« Un livre de physique.

— Sur quoi ?

— L’antimatière. Tu te souviens de Manzana, la pomme qui n’était pas comme les autres ?

— Oh, oui ! Tu lis un livre sur les pommes alors ?

— Non, pas exactement. Tu te rappelles quand je vous ai dit que les scientifiques faisaient des expériences pour savoir ? C’est le sujet de mon livre. »

Elle ouvrit de grands yeux, intriguée. Eliott venait de nous rejoindre.

« Garance, raconte nous ! On veut tout savoir sur les esperiences. » me demanda-t-il. Et comme ces deux-là savaient bien que je ne pouvais pas dire non à leur bouille d’ange, je commençai mon récit :

« Très bien. Tout commence au CERN, le plus grand laboratoire de physique. Là-bas ils ont de grandes machines. Et grâce à ces machines, ils créent de l’antimatière pour faire des expériences et voir l’effet de la gravité, et donc voir si l’antimatière tombe ou s’envole.

— Ils créent des Manzana alors ? Donc elle n’est pas toute seule ?

— Oui… et non. Manzana est un peu spéciale, c’est un miracle de la nature, disons. Mais en réalité, c’est très dur de créer de l’antimatière. Alors en créer assez pour faire une pomme ! C’est presque impossible. C’est pour ça qu’il n’y a qu’une seule et unique Manzana.

— Alors c’est comme un trésor ?

— Oui, c’est très précieux.

— Mais, mais si un super-méchant arrive et… et qu’il vole l’antimatière ? » Décidément, leur imagination me surprendra toujours.

« Oh là la, ce serait grave » je m’exclamai. « Très grave ! Parce que l’antimatière a un super-pouvoir : elle peut faire disparaître la matière ! » Théa et Eliott me regardèrent apeurés. Je repris alors :

« Quand l’antimatière et la matière se touchent, pouf ! Les deux disparaissent, comme par magie. C’est ce qu’on appelle l’annihilation. Mais tu sais, qui dit super-méchant dit aussi super-héros. Alors tu peux être sûr qu’un super-héros sera là pour nous sauver ! »

Ils semblèrent rassurés. Théa m’interpella :

« Garance, on ne risque pas d’être alilinationnés alors ? Tu es sûre ?

— Mais non, ne t’en fais pas. » lui dis-je en passant ma main dans ses cheveux.

« Le CERN produit très peu d’antimatière, trop peu pour nous faire disparaître. Et puis, c’est un endroit très bien protégé, si bien protégé que même un super-méchant ne pourrait pas voler l’antimatière. » Elle lâcha alors un soupir, rassurée.

« Dis Garance ! Tu penses que je pourrai aller là bas ? Je veux voir l’antimatière ! » intervint mon frère.

« Bien sûr Eliott. Je suis certaine que tu ferais un très bon scientifique d’ailleurs ! Mais en attendant, il faut bien travailler à l’école. Alors je te conseille de ne pas tarder à aller faire tes devoirs… »

Il soupira et tous deux partirent chercher leurs cahiers. Alors, seule sur l’herbe, je m’allongeai sous le pommier et m’assoupis.